J’étais en débat sur RTL avec Samuel Cogolati (Ecolo – Belgique), Philippe Hensmans (Amnesty International Belgique) et Nabil Boukili (PTB), je partage ci-dessous les sources des informations que j’ai avancées sur le plateau. Je le dis : « Il faut se réapproprier les outils de l’esprit critique ».
MERCI pour vos très nombreux témoignages de soutien suite à ce débat. Vous remarquerez que, pour éviter la délicate situation de « parole contre parole », toutes les sources qui suivent appartiennent au « camp occidental ». On ne m’accusera donc pas de « propagande pro-chinoise ».
1) 3’20 ; « plus de 250 attaques terroristes au Xinjiang » Source : Global Terrorism Database https://www.start.umd.edu/gtd/search/Results.aspx?search… Rectificatif : il s’agit du nombre d’attaques en Chine et pas seulement au Xinjiang, même si la majorité de ces attaques ont bien eu lieu dans cette région.
3) 3’33 ; « avant que les USA ne décident de probablement soutenir [les Ouïghours] » Source : Lawrence Wilkerson (ex-chef d’équipe de Colin Powell), Ron Paul Institute http://www.ronpaulinstitute.org/…/what-is-the…/… (à partir de 20’58)
4) 4’04 ; « 20000 jihadistes ouïghours radicalisés en Syrie » Source : Lawrence Wilkerson, Ron Paul institute (même lien que pour le point 3)
9) 6’18 ; M. Cogolati affirme que « l’ONU dit qu’il y a un million de Ouïghours dans les camps » Faux. Il ne s’agit pas d’une position officielle de l’ONU mais seulement celle d’une membre d’une commission, Gay McDougall, sur base de rapports non cités (c’est-à-dire ceux de Zenz), comme en témoigne le PV de cette réunion. Source : ONU https://www.ohchr.org/…/NewsE…/Pages/DisplayNews.aspx… Dire que « l’ONU a dit que… » est aussi stupide que dire « la justice a innocenté machin » juste parce que l’avocat de la défense a plaidé l’acquittement !
11) 7’07 ; M. Cogolati affirme que ses sources sont « attestées par Amnesty ». Vrai. Quant à ce qu’il faut penser de la rigueur d’Amnesty sur ces questions, je renvoie à mes articles détaillés, dont la synthèse se trouve ici : https://leblogduradis.com/…/les-mensonges-damnesty…/
12) 15’13 ; J’ai mis en évidence une « typologie des mensonges d’Amnesty sur la Chine ». Source : l’ensemble de mon dossier « Il est évident que la Chine », à retrouver sur mon blog https://leblogduradis.com/
14) 15’29 : « L’ethnie chinoise, Hui, n’a pas de problème avec la pratique de sa religion » Sources : elles sont nombreuses dans l’article Wikipédia les concernant (un article par ailleurs critique envers la Chine) https://en.wikipedia.org/wiki/Hui_people#Current_situation
15) 16’16 : M. Hensmans me discrédite quand je dis qu’Amnesty a basé son rapport sur le témoignage de huit Ouïghours. Voici pourtant la preuve de ce que je dis, source : Rapport d’Amnesty International (voir le « disclaimer », p.5) https://www.amnesty.org/…/Docu…/ASA1791132018ENGLISH.PDF J’analyse par ailleurs ce texte dans mon article ici : https://leblogduradis.com/…/il-est-evident-que-la-chine-4/ Quant au fait qu’Amnesty ait récolté « des centaines de témoignages », je n’en doute pas, mais si elle ne les présente pas, il est difficile de les analyser !
16) 17’26 : Je dis qu’il y a « plein de problèmes en Chine ». Source : mon premier article d’analyse du livre « Rescapée du goulag chinois » https://leblogduradis.com/…/jai-lu-rescapee-du-goulag…/ Il n’a jamais été question pour moi de nier les problèmes de droits humains en Chine (ou ailleurs !)
« Gnagnagna c’est moche, et même qu’on n’arrive pas à la lire, et que c’est de l’inclusif qu’à moitié, et que c’est pas accessible pour les aveugles (parce que là, en une fois, on se préoccupe des aveugles), et que le masculin en français c’est du neutre, d’abord, et que c’est le mot qui est au masculin, pas le signifié, etc. »
En moins de 24h, deux personnalités publiques, pour lesquelles j’ai par ailleurs un immense respect, m’ont contacté en privé pour me faire part : 1) De l’intérêt de ce que j’écris 2) De leur dépit face à mon usage de l’écriture inclusive.
Et vous savez quoi? Cela me vaut un refus de publication sur un site très populaire d’information.
Soupir.
Ursula Le Guin qui a imaginé un peuple sans sexe déterminé dans son roman « La main gauche de la nuit »
J’ai envie de vous dire : « Respirez un coup, les mecs, ça va aller. Tout va bien. La langue française va s’en sortir et…nous aussi. »
Donc je ne vais pas me lancer dans un long argumentaire en faveur de l’écriture inclusive. Si ça vous intéresse d’avoir du contenu solide à ce sujet, je vous renvoie vers « le langage inclusif » de Viennot. Je ne ferai pas mieux et j’ai pas envie de faire plus court. Je note quand même avec amusement que le point médian brûle les yeux lors même que l’on s’accommode apparemment sans mal de la virgule, du point final, de la parenthèse, de l’apostrophe et autres signes typographiques (point d’exclamation).
En revanche, je vais vous dire un mot sur les raisons qui me poussent à l’adopter, cette écriture inclusive. Oui, je pense qu’elle est nécessaire. D’autant plus quand on aime la langue française – ce qui est mon cas.
Je préférerais certes qu’on la fasse évoluer, qu’on lui invente un neutre qui ne serait pas déguisé en masculin, qu’on bouscule nos imaginaires faits de binarité (#UrsulaLeGuin) mais, entre-temps, l’écriture inclusive me semble politiquement nécessaire.
Toustes celleux qui ont un rapport singulier à l’écriture et à la langue savent combien l’imaginaire est capable d’enfanter dans le monde réel : larmes et rires en sont les exemples les plus frappants. Il en va de même pour l’écriture inclusive : depuis que je l’utilise, j’ai une conscience beaucoup plus vive de ce que je ne m’adresse pas qu’à des hommes. Je pense, je parle et j’écris différemment. Si ça doit me coûter des publications, qu’il en soit ainsi.
Ce post, c’est pour mes potes mecs, mes proches mecs, les mecs qui me suivent. Et…je l’adresse à moi-même avant tout.
Il semblerait qu’on ait bien besoin d’un « reminder » pour savoir comment se comporter en rue. Ouais, c’est désolant…mais apparemment nécessaire. Je nous fais un récap’ de lieux communs, mais aussi d’une ou deux petites choses pas si évidentes et qui concernent notre rapport aux femmes dans l’espace public.
Je ne sors pas toutes ces infos de nulle part. Y’a des sources plus bas, ça vaut vraiment le coup d’aller les lire. Merci donc, avant tout, à celles qui ont témoigné, expliqué, illustré…mais c’est le moment de faire le taf nous-mêmes comme des grands.
Extrait des entretiens de Jean-Paul Sartre avec John Gerassi (pagination inconnue – Google books
•Je ne dévisage PAS une femme, peu importe comment elle est habillée •Je ne l’interpelle pas sans raison (la trouver « charmante » n’est PAS une raison) et, a fortiori, je ne l’insulte pas, je ne commente pas ses vêtements, ses yeux, sa silhouette ou ce que j’imagine être sa vie sexuelle •Je ne siffle pas, je ne grogne pas, je ne m’exhibe pas (ouais, y’en a qui font tout ça) •Je ne touche pas une femme qui ne m’a pas donné son consentement •Je n’évalue pas le physique d’une femme dans l’espace public – même si je m’adresse à mes potes •Je suis conscient que ces comportements SONT graves (et leurs conséquences aussi, voir les dossiers en sources) et s’inscrivent dans un ensemble de violences faites aux femmes
Ça va jusqu’ici? On est OK avec tout ça? Alors on continue, ça va se corser un peu.
•Je dis clairement à mes potes relous qu’ils sont relous et les effets que leur lourdeur a sur les femmes ; a fortiori je ne les encourage pas, je ne ris pas des comportements de merde, je ne les passe pas sous silence •On a tous merdé un moment ou un autre ; c’est pas « trop tard » pour autant. Aujourd’hui est un bon moment pour commencer à faire gaffe ! •Je ne suis pas, en tant que mec, biologiquement programmé pour être relou. Être un mec n’est donc pas une excuse •Le fait que je me trouve sexy, puissant, riche ou que sais-je ne change rien (!) : mes comportements merdiques restent merdiques •Le fait d’être blanc/éduqué ne me rend pas « automatiquement » respectueux (les comportements de merde ne s’arrêtent ni à une classe sociale, ni à une culture) •Le sentiment d’être « toujours rejeté » (#INCEL) ne rend pas, non plus, mes comportements merdiques moins merdiques •De façon générale, si je ne souhaite pas qu’on agisse envers une femme que j’aime (ma compagne, ma sœur, ma mère, une amie, etc.) comme je suis en train de le faire, c’est que mon comportement EST merdique •Si j’assiste à une situation de harcèlement, j’agis! C’est tricky, mais il y a plusieurs possibilités selon les cas (voir en sources) •Je suis conscient que ces comportements ne sont en plus qu’une part infime du système sexiste (l’effet d’accumulation est énorme) •Je suis conscient que je SUIS UN MEC et, qu’à ce titre, je suis DÉJÀ suspect d’être un emmerdeur (grâce à tous NOS comportements de merde depuis beaucoup trop longtemps) – autrement dit, je fais ce que je peux pour rester discret.
Vous êtes toujours là? Excellente nouvelle. Maintenant, on va se demander que faire ou que dire quand une proche nous raconte ce qu’elle a vécu.
•Écouter n’implique pas que je doive donner mon avis (si elle ne me le demande pas, c’est qu’elle s’en fiche probablement) •Non, elle ne l’a pas « cherché ». •Je la crois (par définition, comme je ne suis pas une femme, je ne peux pas savoir ce qu’elle vit mais j’ai le devoir d’essayer de comprendre) ; je fais preuve d’humilité •De mon côté (pas besoin de lui imposer mes états d’âme), je fais le taf de me demander VRAIMENT si je n’ai pas moi aussi des comportements merdiques (et j’en ai très probablement) •Je ne juge pas la réaction qu’elle aura eue suite à l’événement qu’elle me raconte (qu’elle ait dit ou fait quelque chose…ou pas) •Je n’ironise pas et je ne minimise pas (si elle m’en parle, c’est qu’elle est touchée et ça devrait suffire) •Je ne fais pas « l’avocat du diable », ce serait lui imposer une double peine (et puis ça sert à quoi, sérieusement ?) •Je me souviens qu’une femme vit ça TOUT LE TEMPS (donc le comportement sexiste vient s’ajouter à la longue liste des précédents et/ou de tous ceux qui suivront, y’a des stats dans les sources) •Je ne la ramène pas à moi (on s’en fout que « moi je ne fais pas ça », y’a rien d’honorable, c’est juste normal), ni ne m’intéresse subitement aux oppressions que subissent les hommes à ce moment-là (c’est hors-sujet en fait) •Si, en tant que mec, je serais « flatté » de recevoir de tels « compliments », c’est précisément parce que j’occupe, comme mec, la place du pouvoir (puis c’est tellement rare qu’il n’y a de toute façon pas d’effet d’accumulation) •Je ne lui demande pas de me rassurer (elle a autre chose à faire) •Je n’attends pas d’être remercié ou félicité (elle a autre chose à faire bis) •Je n’attends pas « d’être instruit » (en particulier par mes potes femmes, elles ont autre chose à faire, encore) ; mais au contraire je lis activement sur le sujet, j’écoute des podcasts, je regarde des docus. Ce ne sont pas les ressources qui manquent. Je n’hésite pas à partager mes ressources avec mes potes mecs, à débattre, à argumenter, etc. •J’accueille sa colère, sa peur, sa tristesse, etc. sans me sentir personnellement attaqué •…mais je me remets en question si je SUIS personnellement mis en cause.
Bon, si vous êtes encore ici, à ce moment de ce looooong post, c’est qu’il y a encore de l’espoir.
Mais vous risquez de vous exclamer : alors quoi? Je ne peux plus rien dire? On ne peut plus draguer?
•Si j’ai une vraie raison d’adresser la parole à une femme dans l’espace public (je suis perdu, j’ai un souci de santé, mon téléphone portable est mort, etc.), je m’adresse à elle comme si je m’adressais poliment à un mec. Easy, non ? •Je respecte une distance physique (ça fait moins flipper et, btw, c’est un des gestes-barrière, hop combo) •Dans une interaction, on est au moins deux à participer. Je ne m’inquiète pas quant au fait que si séduction mutuelle il devait y avoir, je serais au courant sans avoir à dévisager/interpeller/toucher, etc. •Non, bah c’est non. C’est pas un oui déguisé, c’est pas un peut-être oui plus tard ou si j’insiste. Une absence de réponse, c’est non aussi. C’est juste…non.
Il est probable que j’aie oublié plein de choses et/ou que j’aie été maladroit ou inadéquat dans certaines formulations. L’espace commentaires ci-dessous est là pour en parler et je modifierai ce qui devra l’être.
Suite à la publication de mes articles sur la Chine, on m’a plusieurs fois demandé : « Et Amnesty, ils ne répondent pas ? ».
Effectivement, si ce que je dis est faux, Amnesty a tout intérêt à en apporter la preuve – et ce pour que ne se propagent pas des « fake news ». Si je ce que je dis est vrai, Amnesty aurait tout intérêt à se taire – pour éviter un « effet Streisand » et pour éviter de devoir se corriger. La meilleure censure, plus efficace que la répression, est celle consistant à s’assurer que les voix hétérodoxes demeurent marginalisées. Vous pouvez crier tant que vous voulez, si y’a personne pour écouter, vos cris resteront parfaitement inutiles.
La pensée dominante se caractérise ainsi par sa…domination ! Elle prend de la place seulement parce qu’elle s’assure que d’autres en prennent moins. C’est le socle de tout système. Si y’a des riches, c’est parce qu’il y a des pauvres à qui les riches volent le surtravail. Si les femmes demeurent opprimées, c’est parce que les hommes, en tant que classe, les oppriment. Même principe pour les personnes racisées et, en fait, pour toutes les structures de domination.
Ainsi, un.e intellectuel.le défendant une position marginale sera peu ou pas invité.e dans les médias mainstream, sera peu ou pas relayé.e, sera moins bien référencé.e par les moteurs de recherche, sera pointé.e comme « non fiable » par des prescripteurs comme le Décodex, sera peu ou pas invité.e à donner des conférences, des interviews, etc. Et lorsqu’iels le sont, le temps qui leur est accordé ne suffit pas à élaborer leur pensée car déconstruire nécessite du temps (comme le rappelaient Bourdieu et Chomsky) – là où la pensée dominante s’exprime sans difficultés, s’appuyant sur les prérequis, les clichés, les habitudes.
Est-ce à dire que l’absence de réponse d’Amnesty sur mes articles est une « preuve par défaut » que je dis la vérité ?
Pas si vite.
Il y a quelques jours, on m’a contacté pour me partager des captures d’écran d’échanges avec Amnesty à propos de ma série sur la Chine. Analysons-les ensemble et voyons ce qu’on peut en retirer parce qu’il me semble que ces réponses sont caractéristiques de cette « censure par la marginalisation ». Quels sont les arguments déployés par Amnesty ?
« Il s’agit d’un blog parmi tant d’autres » Comprenez : vous êtes marginal, donc vous n’êtes pas digne d’attention. Or, précisément, en vous confinant dans la marginalité, on s’assure que vous ne soyez jamais populaire et donc que l’on ne doive jamais dealer avec ce que vous dites. Dès la première phrase apparaît le principe de censure par la marginalisation. À noter qu’on pourrait très bien fonctionner autrement et décider que ce qui fait la valeur d’un blog n’est pas sa popularité mais la qualité de son argumentation. À ce compte-là, Amnesty accordera plus de légitimité à Cyril Hanouna qu’au blog du Radis.
« […] qui accusent Amnesty, comme le font tous les États autoritaires, dictatures […] » Il s’agit ici d’un argument par association (au sens du passionnant Chaïm Perelman). Si vous « accusez » Amnesty, vous êtes nécessairement dans le camp des dictatures, voire vous êtes vous-même « une dictature » – la formulation entretenant ici cette ambiguïté. C’est sur cette base « d’association » que m’a été refusée, il y a quelques années, une place à l’assemblée générale d’une ONG « de gauche » parce que j’avais dénoncé les mensonges occidentaux sur la Syrie. Comprenez pourtant qu’il n’y a aucune forme de causalité : on peut très bien dénoncer les pratiques d’Amnesty (et ONG apparentées) ET être férocement opposé aux dictatures.
« […] rouler pour les États-Unis (sic). » Ce qui est amusant, c’est que je n’ai JAMAIS utilisé cette expression « rouler pour les USA ». Le « (sic) » est donc totalement hors de propos. J’ai dans cet article apporté la PREUVE du financement d’Amnesty par les USA (j’y ai d’ailleurs nuancé sa vassalisation) et j’ai souligné dans cet article-ci la dimension géopolitique du séparatisme ouïghour soutenu, là encore, par les USA. Il est amusant de constater qu’Amnesty ne semble pas considérer que le nombre d’accusations allant dans le même sens est, au moins potentiellement, l’indice de ce qu’il y aurait quelque chose à remettre en question chez elle…
« […] depuis longtemps décidé de perdre moins de temps à leur répondre […] » C’est très pratique et entretient, bien entendu, la marginalisation évoquée plus haut. Plus encore, cette phrase renvoie de façon sous-jacente à l’idée d’évidence que je traite dans le premier article de ma série sur la Chine. En effet, s’il est « évident » que ces blogs-dictatures accusent à tort Amnesty et qu’Amnesty défend « les victimes », pourquoi perdre son temps à leur répondre ? L’évidence a, comme je l’ai dit, le grand avantage de se soustraire à l’exigence de preuves ou, au moins, à certaine précaution épistémique.
« […] défendre les victimes des violations des droits humains » Une nouvelle fois, Amnesty se positionne dans le camp du juste, là où je serais du côté des États autoritaires, des dictateurs. Être Amnesty « suffit » comme preuve de sa bonne foi – on frise l’argument d’autorité. Vous savez quoi ? Moi aussi je pense être « du côté des victimes » ! C’est fou, n’est-ce pas ? De toutes les victimes. Pas uniquement celles qui, pour l’une ou l’autre raison, plaisent à mon camp politique, ma culture, mon pays, mon système économique.
« […] le problème avec la Chine, […] c’est que nous ne pouvons pas y entrer, faire des enquêtes sur le terrain […] : nous sommes interdits là-bas » Cet aveu est extraordinaire, et je l’avais déjà relevé dans cet article. Donc, Amnesty ne se prive pas pour AFFIRMER des tas de choses – sur les Ouïghours, sur le crédit social, sur les LGBTI et que sais-je encore – sans pouvoir aller sur le terrain, c’est-à-dire en étant complètement dépendante de tiers pouvant tranquillement l’instrumentaliser. Cette info ne mérite-t-elle pas d’apparaître EN PRIORITÉ sur la page « Chine » d’Amnesty ? N’implique-t-elle pas, pour Amnesty, de se demander pourquoi la Chine lui fait si peu confiance ? Par exemple l’impact que pourraient avoir les financements des USA, l’ennemi par essence de la Chine, sur le niveau de crédibilité qu’on peut lui accorder ? Ou le fait de constamment plébisciter les positions de séparatistes ? Etc.
« […] comme en Arabie Saoudite […] » Nouvel argument par association : Chine et Arabie saoudite (le « s » ne prend pas de majuscule !) interdisent la présence d’Amnesty, donc ces deux pays sont comparables. Pratique, non ? Le fait que ces deux pays appartiennent, géopolitiquement, à des blocs opposés, qu’ils défendent des options économiques, culturelles, spirituelles parfaitement opposées importe peu, n’est-ce pas ? Le fait que l’Arabie saoudite soit l’alliée historique des USA, bailleur de fonds d’Amnesty, ne semble pas, non plus, être un problème moral insurmontable pour Amnesty. Des USA qui s’essuient largement sur les droits humains également : procès iniques, torture, inégalités abyssales, politiques criminellement guerrières, ingérences en tout genre, etc. Mais l’argent n’a pas d’odeur, hein. On croit rêver.
« […] des défenseurs des droits humains, des membres d’ONG dont les témoignages sont recueillis » Hé oui, c’est bien ça le problème, cher Community Manager d’Amnesty : des témoignages. Ou, pour être plus précis, « huit » témoignages en ce qui concernent les Ouïghours. Tu vois le problème ? Tu vois le risque d’instrumentalisation, d’exagération voire de mensonges purs et simples pour ses propres intérêts religieux, séparatistes ou autres ? J’ai expliqué ici le problème des témoignages. Amnesty dit les recouper mais reconnaît que les Ouïghours sont « venus à elle » et que les « 100 Kazakhs » ont tous été amenés par les deux mêmes personnes.
« Il est dès lors facile pour un « journaliste » qui tient son blog dans son coin […] » Je suis content d’apprendre que mon taf est facile et suffisamment peu crédible pour qu’Amnesty se permette de mettre des guillemets méprisants autour du mot « journaliste ». On ne tiendra pas compte des heures, des jours, des semaines, des mois entiers, la nuit, avec mes enfants jouant à mes côtés, en assumant mon travail rémunéré pendant le jour, à lire, à écrire, à traduire des documents, à fact-checker, à m’interroger sur mon positionnement, ma méthodologie, la solidité épistémologique de ce que je raconte, etc. J’ai cru, un instant, que ça avait un peu de valeur. Mais apparemment, tout ça est « facile ». Chouette, moi qui craignais être parfois trop peu accessible. Quelle arrogance ! Quel mépris ! Et quelle bêtise.
« Si la Chine, comme la Corée du Nord, permettait à des ONG comme Amnesty de mener des enquêtes, il en serait autrement » Mais, avec tous les mensonges, les imprécisions, la partialité dont vous faites preuve, je serais Président de la Chine, JAMAIS je ne vous donnerais accès à mon territoire – indépendamment de ce qui s’y passe ! Est-ce si difficile à comprendre ? Commencez par faire preuve d’honnêteté, par exemple en disant : « Nous ne pouvons pas confirmer le chiffre d’un million de Ouïghours détenus » ou « les documents confidentiels de l’ICIJ infirment les témoignages que nous avons recueillis » ou « le World Uyghur Congress est une organisation séparatiste », etc. Il y a BEAUCOUP de vos affirmations qui auraient depuis longtemps dû rester des hypothèses ou sur lesquelles vous auriez dû revenir. Vous n’êtes pas crédible et il n’y aucune raison, sur cette base, qu’un pays comme la Chine ou la Corée du Nord vous ouvre ses portes.
« Nous sommes, nous employé.es, membres, sympathisant.es, les plus sévères critiques avec notre mouvement […] Jamais de la qualité du travail de nos chercheur.es » Eh bien, voilà qui a le mérite d’être explicite. Si la seule critique que vous êtes capables d’entendre est celle émanant de l’interne et que, de surcroît, « jamais » vous ne remettez en question le travail de vos chercheur.es, il y a peu de chance, en effet, qu’un blog comme le mien égratigne vos certitudes. Gageons que ce ne soit en revanche pas le cas de mes lecteur.rices.
Il me semble que ces quelques verbatim illustrent à merveille le principe de marginalisation des voix hétérodoxes que j’ai évoqué en introduction.
Comment ?
Simple ! Ne pas me faire de publicité en me répondant, m’associer aux dictatures, sous-entendre que je défendrais une théorie du complot en évoquant le rôle des USA, mettre sur la Chine la responsabilité des mensonges (quelle que soit la nature de ces derniers) d’Amnesty, ne jamais mettre en question la valeur des témoignages, ridiculiser le travail des auteurs indépendants et, enfin, ne « jamais » être critiques envers le travail de ses chercheur.es.
Bon, clairement, si je décidais de débunker tout ce qui se dit sur la Chine en ce moment dans nos belles démocraties occidentales, je serais occupé à temps plein. Et comme apparemment je suis pas trop trop financé pour rédiger le « Radis », vous comprendrez que je mette mes priorités ailleurs.
Pourtant.
Pourtant, il semble que le documentaire d’ARTE « Tous surveillés – 7 milliards de suspects », que vous pouvez visionner ici, vous a suffisamment marqués pour que j’en fasse un commentaire. Je ne serai ni aussi précis ni aussi complet que dans la série « Il est évident que la Chine ». Il y a des questions auxquelles je ne pourrai pas répondre, mais d’autres auxquelles je peux.
Un commentaire général d’abord : après avoir exploré la question de la surveillance dans les pays capitalistes occidentaux (essentiellement USA, Israël et France), le documentaire aborde le cas chinois et y dédie plus de la moitié du temps final. Fort bien.
Le documentaire me semble particulièrement bien disposé à l’égard des USA. Par exemple, sur les 1h30 de film, PAS UN MOT n’est dit quant au gigantesque programme d’espionnage global de la NSA, le fameux PRISM, qui avait été dénoncé par Edward Snowden. Entre-temps, ce dernier a dû trouver refuge dans un autre pays. Pour un docu censé parler de la surveillance globale, comment dire, c’est…surprenant. On y évoque le Patriot Act sous Bush junior, et la volonté de Trump d’user de la reconnaissance faciale dont le docu dénonce les failles qui touchent avant tout les personnes racisées (que le film appelle « personnes de couleur »). Certes, on y évoque aussi le projet Maven, qui utilise(ra) la mal nommée « intelligence artificielle » à des fins militaires. Mais sur PRISM, qui concerne la surveillance du monde entier, rien. Nada. Pourquoi ?
Israël est également présenté sous un jour ultra favorable. Le pays y est décrit comme subissant les assauts du terrorisme depuis sa naissance…sans jamais envisager que, peut-être, c’est une nation dont le gouvernement est lui-même terroriste, raciste et s’est rendu coupable des pires crimes imaginables depuis son indépendance, le tout en s’essuyant allègrement sur pas moins de 34 résolutions de l’ONU (il y en a peut-être eu plus depuis cette source, btw).
En France, le documentaire évoque le cas de Nice qui, après les attentats, aurait décidé de miser elle aussi sur la reconnaissance faciale. Pour ce faire, elle adopte une technologie israélienne (pourquoi s’embarrasser de la morale de nos fournisseurs, n’est-ce pas ?) Il y est aussi fait référence à une base de données centrale, le fichier TES, qui regroupe l’ensemble des données d’identité et biométriques des Français. Un premier pas vers une surveillance tout à fait analogue à celle dénoncée dans la seconde partie du film.
Point commun entre les USA, Israël et la France ? Le business. Car c’est bien là l’intérêt des sociétés capitalistes : faire de l’argent. Et la peur y mène très efficacement. Ainsi, la multinationale française Thales, active dans tous les sales coups, est citée, tandis qu’à la tête de l’israélienne Anyvision on retrouve Tamir Pardo, chef du Mossad, les services de renseignements israéliens. De magnifiques partenariats publics-privés, sur fond d’agences d’espionnage. Joli programme. Des partenariats dont vous aurez sans doute remarqué qu’il s’agit toujours pour le public de financer le privé et jamais le contraire ! Sacrés « partenariats ».
Problème : la liberté économique, c’est-à-dire la capacité à entreprendre sur le marché de son choix – ici celui de la peur – pour faire du profit, entre directement en collision avec une valeur au fondement même de nos sociétés occidentales : la liberté individuelle. Liberté économique VS liberté individuelle. Au plus il y aura de la peur, au plus il y aura de chance que nous acceptions de rogner sur nos libertés.
Le cas chinois est fort différent. La valeur morale qui gouverne le pays est l’égalité, qui se traduit par la préséance du collectif sur l’individu. De plus, le système économique chinois, différent du capitalisme occidental, n’oblige pas à faire du profit. L’élaboration d’outils de surveillance massive trouve une origine tout à fait différente de celle du capitalisme occidental. Est-ce que ça le rend plus moral ? Aux yeux des Chinois, sans doute, puisque ça n’entre pas en collision avec les valeurs communément partagées.
Venons-en justement à la Chine.
Sur fond de musique inquiétante, le documentaire d’ARTE rabâche en fait les mêmes informations qui tournent en boucle depuis des mois dans les médias occidentaux, sans apporter de source supplémentaire. Dedans, il y a du vrai, du presque vrai, du complètement faux. Il y a de tout et je vais essayer de faire le tri pour vous. Comme on pouvait s’y attendre, ce sont principalement deux dossiers qui sont ouverts : le système de crédit social d’un côté, celui de la « répression » des Ouïghours de l’autre.
En introduction, ARTE explique qu’en matière de technologies, la Chine profite d’un marché fermé à la concurrence. Sauf que ce n’est pas du tout quelque chose de propre à la Chine, j’ai montré dans mes articles précédents combien les entrepreneurs de la Silicon Valley étaient à la solde du gouvernement US.
Il y est aussi dit qu’un secrétaire du parti devait être présent dans toute entreprise de plus de 50 personnes. Soit, c’est quelque chose que je ne prendrai pas le temps de vérifier, mais pourquoi pas. S’il s’agit, par exemple, de s’assurer que l’entreprise poursuit un objectif de bien commun, je ne vois pas le problème à une telle présence (cohérent du reste avec un système communiste).
Rappelons que le paradoxe fondamental du capitalisme est de courir deux lièvres à la fois qui souvent appellent des actions contradictoires : assurer un bien ou un service ET faire du profit. Le paradoxe est évident en ce qui concerne tous les besoins fondamentaux. Imaginez : si je veux que ma population ait un bon service de transports en commun, je dois augmenter la fréquence des trains, leur taille, leur confort, etc. Autant d’aspects qui s’opposent directement à ma capacité d’en tirer un profit financier. Imaginez : si je veux que ma population ait un accès large aux médicaments, je dois investir dans la recherche, diminuer les coûts des médicaments, etc. Autant d’aspects qui s’opposent directement à ma capacité d’en tirer profit. Vous avez compris le principe et vous pourrez maintenant l’adapter à l’agriculture, aux télécommnications, au besoin de se vêtir, etc.
Sur le crédit social, c’est essentiellement la ville de Rongcheng qui est prise en exemple. Le fait qu’un lieu en particulier soit donné en exemple ne m’étonne pas. J’ai eu l’occasion d’expliquer en commentaire de cet article qu’il me semblait en effet que le système de crédit social, en version d’essai, est implémenté différemment selon les districts, pour évaluation. Dans le documentaire, Lin Junyue, l’un de ses théoriciens d’après Wikipédia, nous expose sa façon d’envisager cette technologie. Par exemple, il explique que le contrôle de tous par tous est un bon moyen d’éviter par anticipation des comportements inciviques et, par conséquent, d’avoir à sanctionner – une alternative à l’emprisonnement en somme en prévenant les délits. Un principe qui me ramène à mes premières années de doctorat, quand je découvrais la surveillance généralisée entre les contributeurs de Wikipédia.
Personnellement, cette argumentation ne me convainc pas. Attaché aux valeurs occidentales de vie privée et de liberté individuelle, la concession à faire au nom de la sécurité me paraît bien trop grande. Et c’est aussi ce que je dirais au maire de Nice ou à Donald Trump. Ainsi, les « performances » de l’artiste Ge Yulu, qui fixe « dans leurs yeux » les caméras de surveillance, m’ont plutôt intéressé et amusé. En revanche, je continue de penser qu’il faudrait que l’opposition à ce « traçage » soit majoritaire pour qu’il soit légitime d’en changer. Si les Chinois trouvent ça très bien, qui suis-je pour leur dire que penser ?
Vient ensuite le témoignage d’un réfugié ouïghour en France, Bextiyar Tursun. Ce qu’ARTE ne dit pas, c’est qu’il est réalisateur de films et se présente sur son CV, à la ligne « nationalité », comme « Ouïghour de Chine ». Imaginez que vous vous présentiez « Breton de France » ou, un peu d’humour connaissant bien le séparatisme flamand, « Flamand de Belgique » ?
Mm, quand on a vu dernièrement la géopolitique du séparatisme ouïghour, on comprend qu’on n’est pas face à n’importe qui, mais à un homme qui porte un projet politique. Pourquoi pas, d’ailleurs. Il fait ce qu’il veut, de mon point de vue. Mais si ce projet politique est celui du séparatisme, alors il se positionne très clairement contre l’intégrité du territoire chinois et il n’est pas étonnant que l’État chinois y voie, quant à lui, un problème.
Bref, Bextiyar Tursun explique que non seulement les caméras de surveillance les poursuivaient partout mais que la police disposait, en plus, de capteurs sonores pouvant enregistrer à distance ses conversations. Lorsqu’il voulait parler politique (séparatisme ?) avec ses amis, il allait dans les montagnes. Et c’est là que moi, j’aurais voulu qu’on nous rappelle que Google et co ne se gênent pas pour nous mettre constamment sur écoute également (allez, un ptit lien vers Foxnews, ça n’a pas de prix et ça encouragera peut-être l’un ou l’autre d’entre vous à faire aussi un travail de debunk si nécessaire et à le poster en commentaire !). Avec d’autres objectifs sans doute, mais le résultat est similaire. Et si vous posez problème politiquement, on s’en servira contre vous également, toute démocratie que nous sommes #Assange. Pas sûr par contre que si Tursun avait son smartphone dans les montagnes, il aurait été si bien protégé.
Comme on pouvait s’y attendre, le terrorisme islamiste dans le Xinjiang est tourné en dérision, nié par ARTE qui relaie l’hypothèse de tensions inter-ethniques et de manifestations « durement réprimées par la police » mais pour lesquelles les images bizarrement manquent. Je vous encourage à regarder le documentaire de CGTN sur le même sujet et de comparer les deux versions. Les attentats ne seraient donc que des « prétextes » pour le gouvernement chinois. ARTE nous explique alors que Xi Jinping appelle à « lutter contre le terrorisme » en « usant des outils de la dictature ». ARTE est particulièrement malhonnête ici en taisant le fait qu’il faut comprendre le mot « dictature » au sens chinois du terme, tel qu’il est exprimé dès le préambule de sa constitution, et non dans le sens occidental du terme.
Qu’à cela ne tienne, la musique inquiétante continue et vient le clou du spectacle, le moment-frisson. Les journalistes arrivent à convaincre (Dieu sait comment) un chauffeur de taxi ouïghour de leur parler politique. Il a son smartphone en main et semble ne pas se préoccuper des risques qu’il prend. Les journalistes non plus, peu au fait de la protection des sources, au mépris total des bases les plus élémentaires de leur profession, ils l’interrogent…alors qu’ils ont précédemment essuyé nombre de refus plus tôt. Ce taximan leur promet de les conduire le lendemain devant le « camp de rééducation » dans lequel serait enfermé son père. Un scoop incroyable, n’est-ce pas ?
Sauf que, pas de chance, il était sur écoute ! Le lendemain, il a disparu et les journalistes reçoivent un message de quelqu’un qu’ils ne connaissent pas, qui leur dit que le chauffeur en question est interrogé par la police mais qu’on va quand même leur trouver quelqu’un pour les conduire devant le centre. Pas inquiets pour un sou, nos deux Tintins croient tout le monde sur parole, font confiance à la voix entendue au téléphone, se rendent compte qu’ils sont suivis mais montent quand même dans la voiture qui est là pour eux et s’en vont faire le tour dudit centre, OKLM.
C’est quoi cette blague ? Il y a tellement d’incohérences dans ces séquences que j’en suis tout déstabilisé. Comment ont-ils rencontré ce chauffeur ? Pourquoi ne pas avoir été inquiet pour lui plus tôt ? Comment ont-ils entamé la conversation avec lui ? Sur quelle base ont-ils fait confiance à la voix qui leur a parlé et qui ne pouvait être que de la police chinoise ? Pourquoi n’ont-ils pas été surpris que ce Ouïhour leur parle aussi librement ? Pourquoi ne nous donnent-ils pas des nouvelles du chauffeur ensuite? Qu’est-il devenu de lui? Etc. Il n’y a absolument rien qui va dans cette séquence à la OSS 117.
Ah, les camps de rééducation ! Les fameux ! Le doc d’ARTE à cet instant s’empresse de répéter le chiffre des « 1 million de personnes, 1/10 de la population ouïghoure » enfermées, chiffre dont on a suffisamment dit qu’il ne renvoyait à aucune source sérieuse. De ces camps, peu arrivent à s’enfuir…mais nos talentueux journalistes ont « réussi à en rencontrer l’une d’entre elles » (sic). Là, vous vous dites que ça a dû être difficile, le fruit d’une longue enquête, n’est-ce pas, pour avoir « réussi » à la rencontrer ? Ou alors c’est parce qu’elle est une star, qui a sa propre page Wikipédia, laquelle page à la rubrique « China’s reaction », donne une série d’informations contredisant frontalement ses affirmations et donnant, apparemment, les preuves de ses mensonges. Vous avez envie de, vous aussi, faire du fact-checking ? C’est le moment et l’instant !
En tout cas, le témoignage de Mihrigul Tursun (oui, elle s’appelle aussi Tursun) contredit clairement les documents pourtant confidentiels qu’avait pu se procurer l’ICIJ et que j’ai analysés en détails dans cet article, notamment sur le traitement des détenus-étudiants, sur l’hygiène, la qualité des infrastructures, etc. Soit elle n’y est jamais allé (c’est ce qu’affirme la Chine), soit elle est très mal tombée.
Le témoignage qui suit est celui de Sophie Richardson. Elle ne nous est pas inconnue puisqu’elle appartient, elle aussi, à la grande constellation des ONG dont j’ai eu l’occasion de déconstruire les pratiquesdans l’épisode 4 sur la Chine. En effet, Richardson est la directrice « Chine » de Human Rights Watch, une ONG très largement financée par George Soros, de l’Open Society Foundation. Ce petit monde s’entend à merveille. Ce qu’elle dit dans le film entre en contradiction avec ce que dit la loi chinoise sur le respect des identités et que j’ai eu l’occasion, une fois encore, d’expliquer dans l’épisode de ma « série chinoise ».
C’est aussi HRW qui serait derrière la rétro-ingénierie de l’app de la police chinoise, centre névralgique de la « dictature numérique totalitaire », laquelle nous est donnée à voir grâce à Baptiste Robert, un hacker français qui aurait lui aussi réussi à se procurer l’app (mais on ne comprend pas pourquoi il a fait le taf une seconde fois). Ce qui est pratique quand il nous le montre, c’est qu’ils ont fait le choix de tout traduire en anglais (ou alors les policiers chinois l’utilisent en anglais aussi, mais ça ne serait pas très « raccord » avec leur obsession pour le putonghua). Apparemment, ce serait grâce à cette app « qu’on » décide qui sera enfermé dans les camps (un humain ou l’IA directement, nul ne sait). Si quelqu’un sur Twitter peut faire appel à Elliot Alderson (@fs0c131y), aka Baptiste Robert, pour nous éclairer, j’en serais ravi. Moi j’ai quitté Twitter il y a un moment déjà.
À 1h23, les journalistes affirment carrément « qu’une » vidéo « anonyme » sur Youtube « ne laisse pas de place au doute quant à l’ethnocide culturel ouïghour mené par le gouvernement chinois ». Une vidéo anonyme, qui n’est pas authentifiée, qui présente des images qui auraient pu être tournées partout, avec des personnes pouvant autant être ce qu’on dit qu’elles sont que des prisonniers de droit commun. Une vidéo qui n’expose rien d’autre que des hommes menottés et à genoux est supposée être une preuve irréfutable de « l’ethnocide culturel ouïghour » ? Ce n’est vraiment pas du travail journalistique sérieux.
Pourtant, ça n’empêchera pas le dernier témoin de ce documentaire-mascarade, Alain Wang, de comparer ces centres aux camps de concentration nazis. Il fallait bien que le point Godwin tombe à un moment. Et, au fait, qui est Wang ? Alain Wang est présenté par le documentaire comme un « sinologue », mais il est en fait un businessman, conférencier, passionné de tout ce qui concerne le « luxe » et la « richesse en Chine », coach en « autonomisation du potentiel humain »– quelqu’un qui vous aide à devenir riche, quoi (ça ne s’invente pas !) Effectivement, je conçois que son parcours soit peu en phase avec le concept de collectif.
Au terme de cette analyse, j’ai l’impression d’avoir perdu mon temps. Une journée supplémentaire, une de plus, à me confronter à la faiblesse de ce journalisme-là, un journalisme qui sait ce qu’il veut trouver avant même de commencer ses recherches, un journalisme qui occulte tout ce qui ne va pas dans son sens. C’est d’ailleurs le seul moment où il démontre sa capacité à un systématisme rigoureux.