Analyses

J’ai lu « Rescapée du goulag chinois » (4/5)

Partie 4 « Justice et injustices »

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Gulbahar Haitiwaji publie, avec Rozenn Morgat, un livre qui fait beaucoup de bruit : « Rescapée du goulag chinois ». Tous les médias en ont parlé. Il semble que nous tenions là un témoignage indiscutable sur la répression et le caractère criminel de l’État chinois, dans le Xinjiang en général, sur les Ouïghours en particulier. Quatrième volet de notre grand dossier. Je vous encourage à lire le premier, le second et le troisième volet avant d’aborder celui-ci.

Les raisons d’un départ…définitif ?

La famille Haïtiwaji n’a pas seulement quitté son pays, la Chine, et sa province, le Xinjiang. Iels ont quitté leur travail, leurs ami.es et le reste de leur famille pour traverser tout le continent eurasiatique et demander refuge à la France. Selon la convention de Genève (1951), un réfugié est « une personne qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité ou sa résidence habituelle, car elle y a été persécutée ou craint d’y être persécutée du fait de sa race, sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».

Quels sont les éléments tangibles que relève Mme Haïtiwaji dans son texte pour justifier leur départ au Xinjiang et leur obtention du statut de réfugié en France ?

Ce sont les discriminations au travail qui semblent être la justification principale à leur départ. Mme Haïtiwaji explique qu’iels voyaient leur « perspectives d’avenir se réduire comme peau de chagrin » (p.14), « disparaître » (p.29), que « les salariés Hans ont reçu plus d’argent que les salariés Ouïghours » (p.28), que « tous les salariés Ouïghours ont été délocalisés à la périphérie » (p.29), que « le poste a été dévolu à quelqu’un d’autre » et, « devinez à qui? Un salarié Han ! » (p.29 encore). Ainsi, « Kerim a toujours su qu’il faudrait quitter le Xinjiang » (p.28). Comme dit plus haut, ces éléments entrent toutefois en contradiction avec le fait que « personne » n’aurait pu affirmer « avec conviction » les discriminations subies (p.68). Ce sont donc, tout au plus, des ressentis non objectivés, par exemple, par des statistiques ou des études.

Mme Haïtiwaji dit aussi que ce sont les « différences culturelles » qui « dérangent » et « les épisodes de révoltes passés » qui « inquiètent » ; ce serait « pour cela » qu’iels « ont fui en France en 2006 » (p.23). On ne sait pas si, ici, Gulbahar fait référence aux attaques violentes qui faisaient déjà rage au Xinjiang.

Attaques terroristes à Ürümqi en 2014, source

Quoi qu’il en soit, Kerim Haïtiwaji est parti, d’abord au Kazakhstan pour y revenir déçu après un an, puis en Norvège et enfin en France (p.36) où elle dit qu’il avait eu « une opportunité d’emploi » (p.147), ce qui n’est pas cohérent avec le fait qu’il aurait été à la rue à son arrivée (p.37). Leurs filles et lui-même y ont obtenu le statut de réfugié.es.

On voit que les raisons du départ sont loin d’être aussi claires que ce qu’on pourrait penser de prime abord. Voyons maintenant les raisons qui auraient pu inciter la famille à ne pas prendre le départ.

Contrairement à ce qu’elle dit à différentes reprises, Kerim et Gulbahar n’ont pas eu à chercher du travail au Xinjiang puisque « la Compagnie du pétrole locale [leur] a offert des emplois d’ingénieurs dès [leur] sortie de l’université » (p.25). Iels purent s’installer dans un « petit appartement de deux pièces fournis par la Compagnie » (p.26). Étaient-iels mal traité.es dans leur travail ? Difficile à croire sachant que « au fil des années, Kerim et [elle] av[aient] obtenu de meilleurs salaires » (p.29), salaire déjà qualifié de « correct » (p.36) dès le départ. L’année suivante, « à [s]on grand étonnement », « la compagnie [lui] attribua un poste au siège de Karamay » (p.36) et elle « [se] sentai[t] reconnaissante envers elle » (p.36). En fait, elle avait fini par « adorer ce métier » et elle « aimait la compagnie » (p.35). La vie leur « souriait », iels finirent par habiter « un spacieux appartement dans le centre », iels roulaient « dans une belle voiture », leurs filles « poursuivaient des scolarités prometteuses » (le tout p.29).

Dans ces conditions, on comprend qu’il soit difficile d’objectiver les fameuses discriminations subies (notamment celles au travail). On est également loin, très loin, des fameux « joyaux architecturaux » de Kashgar faits de pauvreté et de maisons en terre. Si Gulbahar aussi prend la décision de quitter le Xinjiang en 2006, elle n’a toutefois « pas eu le cœur de démissionner » (p.38) parce que la « Compagnie ne [l]’avait pas blessée » (p.38) et elle demanda un « congé sans solde grâce auquel [elle] conservai[t] [s]a place d’ingénieur-cadre dans l’entreprise » (p.38).

Tous ces éléments en tête, à quels critères exacts de la définition de la convention de Genève la situation des Haïtiwaji correspond-elle pour justifier l’obtention du statut de réfugié.e ? Pour ma part, je reste perplexe. Sans compter que le statut de réfugié.e est aussi accordé pour protéger cellui qui en jouit d’un retour forcé dans son pays qui le mettrait en danger. Or, lorsqu’il lui a été demandé de retourner au Xinjiang pour régler des problèmes administratifs, « Gulbahar ne s’est pas méfiée, pas assez » (p.16). Et, effectivement, on se demande pourquoi et comment il est possible de retourner volontairement dans un pays qu’elle a quitté pour y avoir été persécutée.

Sauf si, en fait, elle n’y était pas persécutée.
Sauf si, en fait, c’était loin d’être la première fois qu’elle y retournait depuis son départ en 2006.

Ainsi, elle explique qu’à l’été 2009 elle était « rentrée seule à Altay » (Xinjiang) parce que son mari, à cause du statut de réfugié, n’avait pu les accompagner (p.41). Mais ça n’est pas cohérent non plus avec le fait qu’elle dise (p.42) que toute la famille est retournée au Xinjiang en 2012, soit trois ans plus tard, pour « rendre visite à [leurs] familles et amis ». Une exception ? Pas du tout. Elle précise « comme chaque année » (p.42). Donc, chaque année, la famille Haïtiwaji retourne au Xinjiang, sans apparemment craindre d’y subir quoi que ce soit et ce en dépit du statut de réfugié de Kerim et des filles. Et c’est à ces occasions que Kerim servait d’informateur auprès des autorités. « Mentez, il en restera toujours quelque chose ».

L’ambiguïté des relations entre Mme Haïtiwaji et les autorités chinoises culmine après son procès et sa sortie du camp de rééducation. En résidence surveillée, elle dit le 15 mars 2019 découvrir « avec un goût particulier la douce sensation d’habiter un endroit qui [lui] appartient » (p.208) et ce en dépit de la présence de onze policièr.es. Avec elleux, l’atmosphère a été « sincèrement joyeuse » (p.208). Du reste, quand sa mère lui rendait visite au camp de Baijiantan, elle « riait avec les policiers » et Gulbahar ne l’explique qu’en considérant que ces derniers faisaient preuve d’une gentillesse « sournoise » qui « tombait comme un voile sur ses yeux » (p.219). Est-ce vraiment cohérent avec l’idée qu’on se fait de la souffrance d’une population génocidée ? Lorsque sa mère la rencontre dans la résidence, elle trouve sa fille « pas trop amochée et même en forme » (p.219).

Alors qu’elle a pu louer son propre appartement, Gulbahar reçoit en août une terrible nouvelle : sa mère a fait un AVC et se trouve entre la vie et la mort (p.223). Israyil, le policier chargé de sa surveillance, lui autorise de la retrouver. Enfin, pas seulement. Il « assurerait [s]es déplacements [lui] évitant les longueurs insupportables des contrôles de police » (p.224). En fait, « sa bonté » à l’égard de Gulbahar avait « fini de [l’]étonner » et « la frontière qui séparait [leurs] deux mondes s’affaissaient » (p.226). Elle était devenue pour lui « un individu que l’on surveille mais aussi sur qui l’on veille » parce que « dans l’esprit des policiers, il n’existe qu’un pas entre ces deux termes » (p.227). Il s’empressera également de rencontrer la direction de l’hôpital « pour s’assurer [que la mère de Gulbahar] soit prise en charge par les meilleurs médecins » (p.227). Dans les yeux « inquiets » du policier, Gulbahar « ne voyait plus que de la gentillesse » (p.227).

Justice illégale ?

Une part importante de l’argumentaire de Gulbahar Haïtiwaji repose sur le caractère illégal et liberticide de sa (ses) détention(s) (dès la p.13). Comment se sont déroulées les étapes de son arrestation, de son emprisonnement et de sa libération ? À quel point les procédures décrites diffèrent-elles de ce qui est attendu dans une démocratie ? Je fais ici un travail de synthèse et de clarification des éléments compris dans le livre, sachant que celui-ci n’est pas toujours écrit de façon chronologique et qu’il nous faut croire Mme Haïtiwaji sur parole, en dépit des très nombreuses incohérences relevées plus tôt. J’invite les lecteurices à vérifier l’exactitude du déroulé ci-dessous et à compléter ou corriger ce qui devrait l’être si je devais avoir fait des erreurs.

Dans les locaux de la Compagnie où elle est venue signer ses papiers (autour du 25 novembre 2016), elle dit avoir été arrêtée puis interrogée (p.47). On lui montre la photo de sa fille participant à une manifestation de l’Association des Ouïghours de France, avec à la main le drapeau du Turkestan oriental (voir supra). Elle est libérée (p.49) mais la police garde son passeport ; elle reste donc à la disposition de la police.

Un mois plus tard (autour du 1er janvier 2017), elle sera mise en garde à vue (p.46). Alors qu’elle « sillonne » le Xinjiang, elle reçoit un appel lui demandant de rentrer à Karamay (p.51). Elle passera un premier séjour dans la cellule de la Maison d’arrêt de Karamay (p.46) après qu’elle eut reconnu avoir participé à des « troubles en réunion » (p.45) – des aveux dont elle dit qu’on les lui a extorqués. Pendant cette période, elle est interrogée plusieurs fois et ment régulièrement, notamment sur les personnes qu’elle connaît ou pas (p.65). Jusqu’ici, Gulbahar Haïtiwaji n’évoque pas la possibilité d’être défendue par un.e avocat.e, ce qui est contraire, par exemple, au droit belge. Si l’on devait comparer ce que vit alors Mme Haïtiwaji avec ce qu’on connaît ici, on appellerait « détention préventive » son enfermement dans la maison d’arrêt de Karamay. Notons qu’en Belgique aussi il est fréquent de rester en prison plusieurs mois avant même d’être jugé, mais en étant défendu par un avocat et en ayant accès à son dossier, ce qui semble ne pas être le cas ici.

Début juin 2017 (p.73), elle apprend qu’elle quitte la prison pour rejoindre un centre de rééducation, une « école ». Elle va ensuite passer plusieurs mois dans des camps de rééducation (jusque p.179), l’essentiel à Baijiantan. Durant l’hiver 2017, elle dit que son dossier arrive sur le bureau du Quai d’Orsay en France (p.132). Au printemps 2018, elle dit être retenue depuis bientôt deux ans au Xinjiang (p.132, p.134), ce qui est factuellement exagéré – il s’agit d’un an et trois mois (elle entre en garde à vue en janvier 2017). Début octobre 2018, ses codétenues et elles sont transférées dans un camp plus grand, à quinze minutes en camion de Baijiantan (p.139-140).

Un peu plus de deux mois plus tard (23 novembre 2018), elle assiste à ce qui semble être son premier procès, accompagnée de sa tutrice (p.143) que l’on pourrait lointainement assimiler à une avocate (lointainement car, si l’on en croit les descriptions de Mme Haïtiwaji, sa tutrice « n’a pas dit un mot pendant les neuf minutes qu’a duré mon procès » (p.146)). Elles sont plusieurs à être jugées ce jour-là, « les deux premières ont été innocentées » et « la troisième a pris trois ans de rééducation » (p.144). Elle est à nouveau interrogée sur différents éléments politiques (concernant les activités de sa fille et de son mari) et sur des éléments administratifs. Gulbahar finit par une déclaration « qui […] ne manquait pas d’hypocrisie », dans la mesure où « simuler la repentance était vital » (p.148). Elle est alors condamnée à retourner dans un centre de formation, une école, pour sept années, sachant que sa peine « ne courrait peut-être pas jusqu’à son terme » (p.149). Gulbahar se retrouve alors dans « le bâtiment de celles qui ont été jugées » (p.150).

En revanche, il semble ici que Gulbahar se méprenne sur le rôle d’un procès. Elle dit (p.146) : « […] Dans un vrai procès il y a une accusée qui est une accusée, c’est-à-dire une personne qui a commis des actes et qui est susceptible d’être condamnée. Moi je suis innocente. » Or, le principe d’un procès est précisément d’établir la culpabilité ou l’innocence de l’accusé.e. Il arrive donc que des innocent.es soient accusé.es, eussent-iels passés injustement plusieurs mois en détention préventive. Que l’on soit en Belgique ou en Chine.

Fin décembre 2018, elle dit être emmenée dans une nouvelle maison d’arrêt, qui ressemble, en plus grand, à la première qu’elle avait fréquentée à Karamay. Les interrogatoires sont nombreux, le policier qui s’occupe d’elle veut « clore ce dossier » (p.170). On lui demande des précisions sur les éléments les plus politiques (l’Association des Ouïghours de France, le séparatisme, Rebiya Kadeer, etc.) jusqu’à la considérer comme « prête » pour des aveux filmés. En février 2019, Gulhumar Haïtiwaji plaide la cause de sa mère sur un plateau de France 24. Le 12 mars 2019, on lui annonce qu’elle est « libre » (p.178).

C’est en fait un chemin « progressif » vers la liberté qui l’attend. Elle passera d’abord du temps dans une chambre du bâtiment attenant à la maison d’arrêt où elle avait été détenue au départ (p.181), mais avec « pain chaud », « matelas moelleux » et « écran plat ». Un mois plus tard, elle peut sortir accompagnée dans les rues de Karamay (p.198). En juin 2019, elle est transférée dans un appartement du centre de Karamay où elle vit encore avec les policiers. Durant cette liberté conditionnelle, on lui « donne de l’argent » (p.212). C’est dans cet appartement qu’elle reçoit la visite de sa mère et de sa fille plusieurs jours. Durant cette visite, les policiers les laissent seules. Début juillet 2019, elle est autorisée à louer son propre appartement mais sa mère tombe malade. Comme vu plus haut, le policier le plus proche de son dossier l’aide alors à la retrouver au plus vite et veille sur elle. Le 21 août 2019, elle retourne enfin en France.

Qu’en penser ?

D’abord qu’il est difficile de considérer la situation de Mme Haïtiwaji comme généralisable à l’ensemble des détenu.es ouïghour.es. En effet, comme elle le précise elle-même (p.132), « [son] dossier fait partie de ces cas sensibles que les autorités dissimulent », essentiellement pour ses liens avec l’étranger. Cela n’est pas très étonnant si l’on considère les éléments vus supra et la possibilité d’une affaire d’espionnage ou de contre-espionnage. Le contexte géopolitique et la guerre froide sino-américaine ne peuvent être occultés.

On note ensuite que les camps eux-mêmes ne sont pas, comme le dit Gulbahar page 135, des dispositifs extra-légaux : la Chine a « mis au point un système légal permettant de justifier l’existence de ces camps ». Bien entendu, le contenu de la loi peut lui-même être illégitime ou immoral à nos yeux – c’est là une question de point de vue.

Sur le plan légal, l’absence d’une défense et d’un accès au dossier pour justifier la détention préventive sont des différences majeures avec ce qui prévaut, par exemple, en Belgique. Le temps passé en détention préventive avant le procès n’est en revanche pas surprenant, sachant qu’en Belgique il n’existe « aucune limite temporelle quant à la durée de la détention préventive ». Par ailleurs les conditions matérielles de la détention en camp de rééducation, sur base des informations données par Mme Haïtiwaji, ne semblent pas comparables à l’état de la plupart de nos prisons. On lit par exemple sur le site de l’Observatoire International des Prisons que, « de manière générale, les conditions de salubrité et d’hygiène, ne se sont pas du tout améliorées ces dernières années et la majorité des lieux de détention belges ne sont toujours pas conformes aux règles d’hygiène et de sécurité les plus élémentaires. »

Le système judiciaire présente des différences incontestables avec les systèmes belge ou français. L’absence de séparation des pouvoirs, telle que nous l’envisageons, semble laisser le champ libre à une grand part d’arbitraire mais elle est en revanche cohérente avec un héritage mêlant communisme et confucianisme.

Il appartiendra évidemment aux lecteurices, sur base seulement des éléments tangibles et non-contradictoires évoqués par Mme Haïtiwaji, de porter un jugement moral quant à la sévérité de la peine qu’elle a subie, eu égard aux enjeux géopolitiques majeurs dont il est question et sur lesquels il nous faut encore revenir. C’est ce travail de recontextualisation que nous ferons dans le cinquième volet de notre grand dossier.

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J’ai lu « Rescapée du goulag chinois » (3/5)

Partie 3 Une « citoyenne ouïghoure ordinaire »? »

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Gulbahar Haitiwaji publie, avec Rozenn Morgat, un livre qui fait beaucoup de bruit : « Rescapée du goulag chinois ». Tous les médias en ont parlé. Il semble que nous tenions là un témoignage indiscutable sur la répression et le caractère criminel de l’État chinois, dans le Xinjiang en général, sur les Ouïghours en particulier. Troisième volet de notre grand dossier dont vous pouvez retrouver la première partie ici et la seconde là.

Et la politique dans tout ça ?

D’un point de vue argumentatif, tout le livre est supposé démontrer que Gulbahar Haïtiwaji est une citoyenne ouïghoure ordinaire, non politisée, victime de la répression (du « génocide » devrais-je dire) par les autorités chinoises (entendez « Hans »). Elle « n’a jamais nourri le moindre intérêt pour la politique de son pays » (p.15) nous dit-elle, elle s’est « toujours tenue à distance des affaires politiques » (p.31 par deux fois). Les camps ? Elle n’en connaissait « même pas l’existence » (p.59). Sa fille dans une manif organisée par une association séparatiste dans laquelle son mari occupe une place importante (p.64) ? Elle ne « sai[t] pas pourquoi [cette dernière] a été à cette manifestation » (p.64) ! Gulbahar Haïtiwaji va jusqu’à affirmer qu’elle n’avait « jamais vraiment regardé ni écouté » Xi Jinping, le président chinois (p.110). La politique, « ce n’était pas [s]on truc » (p.110).

Convaincant ? Pas si sûr.

En effet, Mme Haïtiwaji indique que « par amour et peut-être par curiosité [elle a] suivi [Kerim] en décembre 1985 dans les manifestations à Ürümqi » (p.32). Ainsi, « parmi la masse de jeunes hommes et femmes emmitouflés et gonflés d’espoir qui se rassemblaient sur la place centrale de la ville se trouvaient Kerim, nos amis et moi » (p.171). Gonflé.es d’espoir, mais pas d’un espoir politique devons-nous supposer ? Qu’elle se soit « mariée à un réfugié politique » (p.101), qu’elle « pense au courage de Rebiya Kadeer », présidente du World Uyghur Congress, organisation séparatiste (p.66) et qu’elle craigne l’avoir « déshonorée » (p.178), tout cela n’implique pas du tout un engagement politique, n’est-ce pas ? Ce n’est qu’aujourd’hui, « à table quand la discussion glisse sur la politique », qu’elle « tend l’oreille » car « elle aussi à des choses à dire » (p.242). Sans blague.

Au contraire, elle se disait « effrayée » par la « colère militante » (p.31), affirmant que la politique, c’était l’affaire de son mari Kerim (p.31 toujours). Kerim en revanche est très impliqué politiquement – même si selon les intérêts de l’argumentation – le livre ne cessera d’affirmer ou de minimiser ses positionnements politiques. Par exemple, alors que Gulbahar est déjà détenue au Xinjiang, on apprend (p.51) que Kerim a des relations, qu’il peut « contacter des agents du renseignement au Xinjiang », parce qu’il « en connaît un » (p.51).

Photo de Faisal Rahman provenant de Pexels

Des citoyens ordinaires, les Haïtiwaji ? Loin de là. Kerim avait des contacts rapprochés avec la police qui « l’invitait prendre le thé dans une chambre de l’hôtel de ville au Xinjiang » (p.52) où il « leur donnait suffisamment d’informations pour les rassasier, sans pour autant dévoiler la vérité sur son engagement au sein de l’Association des Ouïghours de France » (p.52 encore). Vous avez bien lu : Kerim Haïtiwaji était un informateur. Mais ce n’est pas très grave parce que les « relations policiers-interrogés prennent parfois une tournure ambigüe » (p.53), que « non, [Kerim] n’a jamais balancé personne » et qu’il « en est fier » (p.53). Ouf, du coup ?

À ce stade, on n’y comprend plus rien. La famille Haïtiwaji espionnait-elle en France pour le compte des autorités chinoises ? Kerim était-il une taupe dans l’association des Ouïghours de France ? Ou, au contraire, donnait-il ce qu’il pouvait à la Chine, histoire de servir tranquillement les intérêts états-uniens via le World Uyghur Congress ? Impossible de le savoir mais, ce qui est absolument certain, c’est qu’on n’est PAS DU TOUT face à des citoyen.nes ouïghour.es ordinaires, éloigné.es des affaires politiques. Il y a potentiellement, là derrière, une affaire d’espionnage et/ou de contre-espionnage.

Avec quel argent ?

Si l’on en croit Mme Haïtiwaji, Kerim, arrivant en France, se retrouve à « errer dans les rues de Paris » (p.36) et à « dormir en foyer d’accueil lorsqu’il trouvait une place » (p.37) malgré le fait qu’il serait parti parce qu’il « aurait eu une opportunité d’emploi » en France (p.147 – on verra plus bas toutes les incohérences liées à leur départ du Xinjiang) ; Gulbahar devra quant à elle travailler « dans un cantine de la défense » (p.48) puis « dans une boulangerie » (p.48) et Kerim, finalement, est devenu chauffeur pour Uber (p.37). Une vie modeste, donc. Très modeste.

Pourtant, l’argent ne semble pas poser de problèmes. Le nombre de billets d’avion réservés par Gulbahar Haïtiwaji dans le livre est impressionnant (p.51, p.224, p.233, p.43, etc.). Outre le fait que la famille semble s’être rendue régulièrement au Xinjiang après leur installation en France (sans le moins du monde craindre d’être arrêté.es, soit dit en passant), Mme Haitiwaji a acheté ses deux billets pour Karamay (p.43) avant de « sillonn[er] le Xinjiang » comme « un lion en cage » (p.50). Oui, elle « sillonne comme un lion en cage » un territoire de 1 665 000 km², soit plus de 54 fois la superficie de la Belgique. Bon, bon, bon, je juge pas, hein, chacun se sent à l’étroit selon sa perspective, mais on est en droit de supposer qu’elle ne l’a pas « sillonné » (c’est-à-dire « traverser d’un bout à l’autre », selon la définition) à vélo…

À propos d’argent, il est frappant de constater la bizarrerie selon laquelle quand des Ouïghour.es émigrent, ce sont celleux resté.es au pays qui leur envoient de l’argent (p.58, p.148). Une situation tout à fait inédite lorsqu’on envisage d’une part les migrations économiques vers l’Europe (et le volume d’argent renvoyé vers les pays d’origine), mais aussi lorsqu’on essaie de comprendre la nature de la « répression » des Ouïghour.es, leur « esclavage », le « travail forcé », « l’éradication », etc. dont iels sont supposé.es être les victimes.

C’est probablement que les Ouïghours n’émigrent pas pour des raisons économiques – bien que la région soit connue pour être l’une des plus pauvres de Chine (allez comprendre). Qu’est-ce que cela cache ? Explorons ceci d’un peu plus près.

Le Xinjiang n’est plus

Personne ne nie le fait que la province du Xinjiang a été particulièrement pauvre, ni d’ailleurs que son PIB a explosé ces dix dernières années. Pourtant, si l’on suit Mme Haïtiwaji, il n’y a pas là de quoi se réjouir. De son « pays de cocagne », il « ne reste plus rien » (p.21), nous dit-elle. La ville de Kashgar, au sud-ouest de la province, a vu les « joyaux de son architecture islamique broyés sous les coups de pelleteuses chinoises » (p.201).

De quels joyaux parle-t-elle ? Elle parle en fait des « petites maisons de terre » (p.201) dont on a « laissé croire aux habitants […] que [l]es transformations étaient réalisées pour leur bien » (p.201 toujours), de même que ce ne fut sans doute pas non plus pour leur bien que les autorités chinoises ont « échafaud[é] des appartements flambants neufs » pour les remplacer (p.201). Voilà, il faudrait donc regretter « les ruelles tortueuses recouvertes de larges pièces de tôles et les maisons aux murs de terre de la vieille ville » (p.201).

Voyez-vous là une description de « joyaux architecturaux » ? Moi j’y vois une description d’une insoutenable pauvreté à laquelle s’est attaqué le gouvernement. Évidemment, ce n’est pas sûr que Mme Haïtiwaji puisse véritablement s’en rendre compte, parce que les conditions économiques dans lesquelles elle a vécu au Xinjiang étaient bien différentes, comme nous le verrons plus bas.

Vous allez me dire : que faire d’habitations flambant neuves si plus d’un million de Ouïghour.es sont enfermé.es dans les camps et que les villes sont désertes ? C’est en effet ce qu’on peut lire dans la presse mainstream et qui est confirmé par Mme Haïtiwaji (p.132) lorsqu’elle parle des « rues vides d’un quartier de Karamay autrefois très fréquenté ». Sauf qu’elle se contredit une nouvelle fois et affirme ainsi, p.198, qu’après son séjour en camp elle retrouve avec « bonheur », la ville « identique à [s]es souvenirs ». Elle constate que « les restaurants et les commerces n’ont pas été délogés » (p.198 encore). Et donc ? Les villes sont désertes ou pas ? Que doit-on croire ?

D’aucuns diront que le PIB en croissance doit être imputé à une exploitation dommageable de la province. Effectivement, Gulbahar Haïtiwaji explique que « les communistes ont coulé du béton sur [leurs] routes caillouteuses et ouvert le ventre de la terre pour y puiser le pétrole et le gaz qui dormaient là » (p.21). Un pays encore en développement il y a peu qui décide de profiter pour lui-même de ses ressources naturelles, peut-on vraiment lui jeter la pierre ? Oui, même elle ne nie pas les investissements publics ; elle raconte qu’ils ont « creus[é] le lit d’une rivière artificielle » et qu’ils y ont « plant[é] des rangées d’arbres touffus » (p.26), des rangées d’arbres qui « s’allongeaient chaque année à mesure que la municipalité en plantait de nouveaux le long du canal » (p.199). En fait, « Karamay se développait » et « les offres de divertissement se multipliaient » (p.27).

File:Karamay the nine dragons.jpg. (2020, September 14). Wikimedia Commons, the free media repository. Retrieved 11:03, April 6, 2021 from https://commons.wikimedia.org/w/index.php?title=File:Karamay_the_nine_dragons.jpg&oldid=458395974.
The nine dragons in Karamay, the beginning of Karamay-river. Source

On peut aimer ou pas les shopping malls mais Gulbahar trouvera quand même que faire ses courses au même endroit « c’est vrai que c’est bien pratique » (p.202), jusqu’à se retrouver dans une « euphorie fébrile » en achetant des chaussures après sa détention (p.203) et, face aux caissières, « dans un état cotonneux de bien-être » (p.205). On peut bien entendu comprendre que recouvrer sa dignité n’a rien de trivial après une détention mais pourquoi, alors, sur la même page, fustiger « l’empire de la fringue, de l’électroménager et du produit de beauté » ?

Quant au Xinjiang qui n’aurait plus rien à voir avec ce qu’il était quand la famille Haïtiwaji l’a quitté, ce n’est tout simplement pas vrai. Elle précise qu’aux « dernières nouvelles, certains travaillent encore à la Compagnie, [sont] professeurs à l’école ou à l’université » (p.27). Du coup, les Hans veulent-ils du bien ou du mal au Xinjiang et aux Ouïghours ? Voyons maintenant ce que Gulbahar dit des relations interethniques et de l’identité ouïghoure.

Hans, Ouïghours et identité ethnique

L’identité ouïghoure serait mise en danger par les autorités chinoises favorisant les Hans. En tant que minorité ethnique et religieuse, les Ouïghour.es « persécuté.es » seraient du bon côté, de celui qu’il faudrait moralement soutenir. Il est toutefois intéressant d’une part d’évaluer le traitement réservé aux Ouïghour.es selon ce qu’en dit Mme Haïtiwaji, d’autre part de voir comment elle-même parle des relations interethniques.

En ce qui concerne la fameuse « sinisation » (sur laquelle je reviens dans un article précédent), Gulbahar Haïtiwaji reconnaît n’en avoir « pas senti les influences s’abattre » sur elleux (p.200) à Karamay avant de s’expatrier et personne, toujours selon elle, n’aurait pu affirmer « avec conviction » les discriminations (p.68) dont les Ouïghour.es auraient été victimes. Avoir vécu « sous pavillon chinois » ne les a pas « empêch[és], bien longtemps, d’être des Ouïghours » (p.201). En fait, en Chine, les « Hans disent que les plus belles femmes du monde sont les Ouïghoures » (p.20) et, « Han ou Ouïghour, à cette époque, tout ça n’avait aucune importance » (p.25). Cela n’est finalement pas si différent de la profession de foi envers la Chine qu’on leur fait réciter dans le camp : « […] Je souhaite que toutes les ethnies forment une seule et grande nation » (p.92). Pas que toutes les ethnies n’en forment qu’une, non, que toutes les ethnies, dans leurs différences donc, forment une seule nation, c’est-à-dire une unité politique. 

D’où viennent alors les « tensions communautaires » (p.22) ? D’un changement brutal de politique faisant dire à Gulbahar que la policière ouïghoure qui la surveille, dans sa résidence surveillée, la même qui « célèbre l’Aïd avec les siens et [qui], il n’y a pas si longtemps, […] priait sans redouter d’être enfermée, déportée, rééduquée » (p.184) est aujourd’hui « chargée d’éradiquer sa propre religion, sa langue, ses traditions » (p.184) ? Mais elle ne peut dire une chose pareille sur base de ce qu’il y a dans son propre témoignage, il y a trop de contradictions : l’Islam continue d’être pratiqué, la langue ouïghoure continue d’être écrite et parlée et les traditions persistent.

File:Kashgar-apakh-hoja-d04.jpg. (2020, September 17). Wikimedia Commons, the free media repository. Retrieved 10:57, April 6, 2021 from https://commons.wikimedia.org/w/index.php?title=File:Kashgar-apakh-hoja-d04.jpg&oldid=463083805.
Mausolée d’Abakh Khoja, source

Pourquoi interprète-t-elle alors les vidéos de « Ouïghoures aux bras de Hans fringants et tout sourire » comme la preuve de « femmes probablement mariées de force » (p.121) ? Est-ce à ce point impensable de tomber amoureuse d’un homme de l’ethnie Han ? Est-ce à ce point impensable qu’un poste dévolu à un salarié Han (p.29) plutôt qu’à son mari soit le résultat d’une sélection honnête et non une preuve de discrimination ? Comment peut-elle à la fois dire qu’iels n’auraient pu affirmer les discriminations tout en demandant avec colère « à partir de combien d’humiliations, d’inégalités, d’injustices, faut-il taper du poing et s’exclamer : ça suffit ! » (p.30) ?

Il y a quelque chose qui m’échappe dans le rapport qu’entretiennent les Ouïghours à leur propre identité, si j’en crois les propos de Mme Haïtiwaji. Il est « inscrit que nous sommes des citoyens de la République populaire de Chine », dit-elle, « mais dans notre cœur nous sommes toujours des Ouïghours » (p.22). À aucun moment les propos qu’elle rapporte dans le livre et qui sont attribués aux Hans ou aux autorités ne disent le contraire ! En revanche, opposer l’identité ouïghoure et la nationalité chinoise ne dit-il pas quelque chose de ses positionnements politiques et de sa proximité idéologique avec le séparatisme du WUC ?

Pourquoi semble-t-elle regretter que dans les grandes villes « les ethnies [se mélangent] » (p.31) ? Regretter que Karamay soit une ville « aux attributs si peu ouïghours » (p.199) ? Que cherche-t-elle à préciser lorsqu’elle dit que « Kashgar est », au contraire « la ville la plus ouïghoure du Xinjiang » (p.199) ? Que « plus indépendantiste, plus traditionnelle », là où se pratique un Islam « plus fervent, plus dogmatique », Kashgar « éclabousse depuis des siècles le sud du Xinjiang de la culture ouïghoure » (p.199) ? Pourquoi trouve-t-elle pertinent d’ajouter que, Ouïghours et Hans, « nous n’avons pas les mêmes traits », « nous ne sommes pas le même peuple » ; que « leurs origines sont asiatiques » et « les nôtres turques » (p.57). Fort bien, et puis quoi ?

Venant d’un pays, la Belgique, dont l’unité est sans cesse menacée par les nationalistes flamands, ces phrases prennent une connotation bien trop familière lorsque je remplace « ouïghour » par « flamand ». Ces mêmes nationalistes flamands insistent pareillement sur « les différences » et les « spécificités culturelles » (p.23, p.200). Des spécificités qui, dans le cas des Ouïghours, incluent une domination des hommes sur les femmes faisant que c’est à la fille de Mme Haïtiwaji, Gulhumar, qu’il revient de faire, pendant la détention de sa mère, « la maîtresse de maison » et. après son travail, de « prévoi[r] les menus, rempli[r] le congélateur, passe[r] un plumeau sur les meubles endormis » pour regagner ensuite « épuisée »…son propre appartement de Nanterre (p.155, voir aussi p.154).

C’est le même nationalisme, flirtant avec le racisme, que l’on perçoit derrière l’opinion selon laquelle la nourriture des Hans a « un bruit dégoûtant » quand on la verse dans son bol (p.57), qu’une voix qui grésille dans le microphone ne peut que « dégueuler des phrases en mandarin » (p.58), ou encore lorsque Gulbahar semble choquée à l’idée qu’une femme de son ethnie puisse leur « apprendre à devenir chinoise » (p.92).

Est-ce toujours aussi étonnant qu’on puisse lui reprocher d’avoir « peu de considérations pour [son] pays » (p.145) ? Les Français.es trouvent-ils si normal qu’après 15 ans passés en France, elle ne parle toujours pas la langue du pays, comme on a pu le constater dans les nombreuses interviews données à l’occasion de la publication de son livre ?

Il est temps maintenant de se demander pourquoi la famille Haïtiwaji dit avoir émigré et quels ont été leurs rapports avec la Chine depuis leur installation en France. Rendez-vous dans la quatrième partie de notre grand dossier.

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Analyses

J’ai lu « Rescapée du goulag chinois » (2/5)

Partie 2 « Stérilisations, violences et religion »

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Gulbahar Haitiwaji publie, avec Rozenn Morgat, un livre qui fait beaucoup de bruit : « Rescapée du goulag chinois ». Tous les médias en ont parlé. Il semble que nous tenions là un témoignage indiscutable sur la répression et le caractère criminel de l’État chinois, dans le Xinjiang en général, sur les Ouïghours en particulier. Vous avez été nombreux.ses à lire le premier volet de notre grand dossier, merci! Voici le second, bonne lecture.

Le cas particulier des « stérilisations »

À de nombreuses reprises, Mme Haïtiwaji dans son livre accuse la Direction de ces camps et la Chine en général de « stériliser » les femmes ouïghoures détenues. Dans les paragraphes qui suivent, je m’attache à évaluer la crédibilité d’une telle affirmation mais cette analyse ne vaut que pour ce livre. Je ne peux affirmer qu’elle soit valable pour l’ensemble du Xinjiang – même si les présomptions vont en ce sens.

J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises sur ce blog de me prononcer publiquement sur ces sujets. Il est essentiel de reconnaître, dénoncer, condamner et mettre tout en œuvre pour que cesse la violence systémique des hommes sur les femmes. Le viol comme arme de guerre est par ailleurs un fait établi, et je prends très au sérieux les dénonciations de stérilisations forcées. La cause est bien trop importante pour accepter qu’elle soit instrumentalisée à des fins politiques. Les victimes de viols et de toutes les violences de la domination masculine méritent que leurs témoignages ne soient pas entachés par de la propagande. Une telle pratique, si elle est établie, serait répugnante et s’opposerait tragiquement à la lutte pour les droits des femmes et de toutes les minorités.

Qu’en est-il donc du cas des « stérilisations » dans le camp de Baijiantan ? On peut lire, page 18, l’affirmation grave selon laquelle la Chine « stérilise les femmes de l’ethnie », que « beaucoup ont confié [à Gulbahar], honteuses, ne plus avoir leurs règles » et que « d’après elles, la suspension de flux menstruel est arrivée juste après la vaccination » (p.112), qu’une « pensée terrible commençait déjà de germer, sont-ils en train de nous stériliser? » (p.112), que « en réalité, on nous stérilisait » (p.189).

File:Figures showing vaccination pustules. Wellcome L0017918.jpg. (2020, September 9). Wikimedia Commons, the free media repository. Retrieved 09:52, April 2, 2021 from https://commons.wikimedia.org/w/index.php?title=File:Figures_showing_vaccination_pustules._Wellcome_L0017918.jpg&oldid=453154188.

Une nouvelle fois, différents registres de langage coexistent ici : parfois, Mme Haïtiwaji affirme qu’il y avait des stérilisations forcées (en interview aussi), parfois elle ne fait que le supposer. Quelques éléments invitent cependant à la plus grande prudence. Par exemple, elle dit page 112 que ses codétenues ont fait le lien entre « vaccination » et suspension des règles mais quelques lignes plus haut, elle dit que c’est « aujourd’hui » qu’elle a appris que ce n’était pas une vraie « vaccination », donc suite à son retour en France (notons qu’elle ne peut rien affirmer elle-même, puisqu’elle dit qu’elle était déjà ménopausée).

Elle n’est pas non plus cohérente quant au mode opératoire. Si elle évoque principalement des « piqûres » sous prétexte de vaccination, elle évoque également un « poison » (p.137) et un « mystérieux médicament qui plonge les détenues dans un état de torpeur inquiétant où les souvenirs s’effilochent, où le temps disparait au même titre que les cycles menstruels des femmes » (p.154). « Vaccin » (p.112), « poison injecté » (p.137), « poison » dans la nourriture (p.108) ou médicament (p.154) ?

Mais il y a plus. S’il semble que vacciner de façon systématique dans un centre fermé est une mesure sanitaire tout à fait cohérente, la stérilisation par injection ou par ingestion d’un médicament est quant à elle fort surprenante. La stérilisation est, jusqu’à preuve du contraire, une opération chirurgicale. Il pourrait s’agir alors de contraception forcée, dont le caractère « forcé » est d’ailleurs sujet à caution puisque Mme Haïtiwaji dit aussi avoir eu l’opportunité de refuser les « vaccins » (p.112). La contraception est elle-même une hypothèse peu convaincante puisqu’une injection contraceptive doit être trimestrielle (quatre fois par an) et non deux fois par an (en hiver et en été (p.137) comme l’explique Gulbahar Haïtiwaji). On ne comprend d’ailleurs pas bien pourquoi, s’il s’agit de stérilisations, il faudrait réitérer l’opération : une stérilisation se caractérise par son caractère définitif. D’autres récits évoquent des poses forcées de stérilet, mais il n’en est pas fait mention dans ce texte.

Que reste-t-il de cette affirmation selon laquelle les détenues de Baijiantan ont été « stérilisées » ? Rien du tout. L’hypothèse la plus probable est qu’il s’agissait bien de vaccins : on imagine encore mieux aujourd’hui les ravages d’une épidémie dans un lieu comme celui-là. Bien entendu, ça n’a pas empêché les médias mainstream de ne jamais mettre en doute les propos du livre. Pour l’immense majorité des lecteurices des journaux et de ce témoignage, les femmes ouïghoures détenues dans ce centre auront donc été « stérilisées ».

Les « stérilisations » ne sont par ailleurs qu’une part infime de l’ensemble des violences que Mme Haïtiwaji dit avoir subies. Je propose maintenant de les passer en revue et de les commenter.

Un catalogue de violences

Le récit est émaillé d’une très grande quantité de violences, dans un style relevant plus de la liste que de la description. On y trouve avant tout des exactions déjà abondamment relayées par les médias, indépendamment de la publication du livre, et dont le niveau de preuve est, comme je l’ai explicité dans de précédents articles, tout à fait insuffisant.

On peut y lire que les Ouïghours sont persécutés, enfermés, rééduqués (p.21), que beaucoup d’offres de travail avaient une clause en petits caractères : « pas de Ouïghours » (p.28), que « les salariés Hans ont reçu plus d’argent que les salariés Ouïghours » (p.28), lesquels ont été « délocalisés à la périphérie » (p.29). On y lit encore que les Ouïghours subissent des « contrôles de police, des interrogatoires, des intimidations, des menaces » (p.30), que les leaders sont « réduits au silence » (p.32), que le cerveau des détenus est lavé (p.33, p.92), que la Chine « déporte, la Chine torture » et « tue ses citoyens ouïghours » (p.191).

File:Karamay river.jpg. (2020, September 14). Wikimedia Commons, the free media repository. Retrieved 09:55, April 2, 2021 from https://commons.wikimedia.org/w/index.php?title=File:Karamay_river.jpg&oldid=458395762.
Rivière Karamay (Xinjiang)

Comment est-il possible, en prenant ces affirmations au sérieux, que Mme Haïtiwaji puisse alors déclarer (p.68) que « De nos amis de Karamay, pas un seul ne pouvait affirmer avec conviction qu’il était discriminé par sa naissance » ? C’est parfaitement incohérent. Si ce qu’elle dit par ailleurs est vrai, les discriminations sont établies. Il n’y a que si elle ment et/ou exagère qu’alors aucune affirmation n’est possible. Quand dit-elle donc la vérité ? N’est-il pas sensé de considérer qu’elle a peu d’intérêt à mentir sur ce qui dessert son propos ?

Des incohérences similaires concernent les violences qu’elle dit avoir subies directement. Par exemple, elle évoque le « néon criard qui n’en finit pas de nous éclairer, de jour comme de nuit » en garde à vue (p.56) mais aussi dans les camps où « le néon blanc […] vous crève les yeux » (p.227), où la « satanée lumière de Baijiantan » est parfois « aveuglante » (p.240), parfois « blafarde » (p.108), où il vous faut « dormir sous la lumière des années entières » (p.105). En même temps, lorsqu’elles évoquent avec ses codétenues de garde à vue les centres de rééducation, c’est plutôt le « noir » qu’elles appréhendent (p.69), le même noir dans lequel, « les yeux écarquillés », Mme Haïtiwaji dit avoir « pri[é] de toutes ses forces » (p.109). Alors, noir ou néons ? Aveuglant ou blafard ? Dans quel sens va la torture ? Probablement dans le sens le plus logique : il y a des néons allumés en journée, des néons éteints la nuit et…c’est tout.

La thématique du lavage de cerveau revient également à de multiples reprises. Mais là encore, nous sommes bien en peine de distinguer le vrai du faux. Par exemple, Mme Haïtiwaji explique que « peu à peu, [la] stratégie de rééducation ludique avait raison de [s]a vigilance » (p.104), que « la mécanique implacable du lavage de cerveau finit par pénétrer nos esprits les plus imperméables et téméraires » (p.117). qu’elle était « si loin, si seule, si épuisée » qu’elle a « presque fini par y croire » (p.190). Le problème, c’est qu’elle affirme en même temps avoir régulièrement et sciemment menti quant à son repentir (p.118), dans ses carnets (p.108), qu’elle a fait « semblant d’adhérer tout en conservant son esprit critique » (p.104), que ses déclarations ne « manquaient pas d’hypocrisie » (p.148) – et j’en passe, sinon je ne terminerai jamais ce dossier ! Alors, qu’en est-il de ce cerveau ? Lavé, pas lavé ? Et son témoignage est-il la preuve d’un bourrage de crâne ? Si oui, par qui ? 

Avec tous ces mensonges, comment encore accorder du crédit aux autres violences qu’elle décrit ? Quand elle n’a rien d’autres que « les leçons, les repas, les défilés qui se suivent et se ressemblent » pour « puissants outils de torture » (p.227) ? Si la professeure « ne perd pas une occasion de [les] gifler » (p.90), pourquoi ne raconte-t-elle aucune circonstance particulière où cela se serait passé ? Est-elle crédible lorsqu’elle affirme que « les codétenues victimes d’une crise cardiaque ou qui disparaissent », c’est « le quotidien ici » (p.108) ? Ce n’est-il pas, là non plus, la « manifestation d’un fantasme morbide d’une prisonnière qui exagère sa condition » (p.191) ?

Est-ce que toutes ces accusations de violences ont encore du sens lorsque Mme Haïtiwaji tente d’expliquer (p.69) que « l’art de la répression du Parti communiste chinois » consiste à « bannir tout en autorisant », à « corriger en honorant », à « emprisonner en éduquant » (p.69) et que les « discriminations se perdaient dans les illusions de liberté » (p.69) ? Est-ce que le récit de ces violences ne finit pas par s’autodétruire lorsqu’elle dit (p.165) que « à part quelques claques et punitions, force est de constater que jamais personne ne m’a battue comme Almira » (p.165 – un passage à tabac qui n’est aussi qu’une supposition puisque Gulbahar Haïtiwaji n’y a pas assisté). Ce qui ne l’a pas empêchée de supposer son propre assassinat, comme on l’a dit plus haut, une fois toutes les deux pages…

« Mentez, il en restera toujours quelque chose. »

La trop longue liste de ses incohérences ne s’arrête pas là. Nous allons maintenant passer en revue les questions concernant la matérialité des camps, l’hygiène dans ceux-ci et les enseignements qui y sont donnés.

À quoi ressemble le centre de rééducation de Baijiantan ?

Gulbahar Haïtiwaji raconte que des frères, des oncles – à elle et à ses codétenues – ont déjà connu les centres. Elles s’attendent toutes à y trouver « des détails sordides et poisseux : la torture, le froid, les rats, la faim, le noir » (p.69). Une description qui n’est pas sans faire penser à l’état sordide des prisons en France et en Belgique. Est-ce que ces craintes se vérifient ?

Lorsqu’elle visite les lieux, elle raconte « le seau pour faire ses besoins » et qu’il n’y avait « pas de matelas sur les paillasses », « pas de meubles », « pas de linge », « pas de lavabo » (p.81). Pourtant, un peu plus tard, elle dit avoir croisé dans le même centre une femme qu’elle connaissait. Où ? Dans « la salle de bains », laquelle est « une vaste pièce d’eau carrelée aux murs dépourvus de miroirs où sont alignés des lavabos en aluminium » (p.86). Pour se laver, « il n’y a[vait] que sept douches et seulement cinq WC à la turque » (p.86 encore). Alors quoi ? Qu’est-ce qui est vrai ? Lavabos, pas lavabos ? Toilettes, pas toilettes ? Probablement qu’il n’y avait pas de lavabo ni de WC dans les dortoirs mais qu’il y avait bien des « pots de chambre » à côté des lits. Tout ce qu’il y a de plus normal (sauf que moi, perso, les pots de chambre c’est pas mon truc, je veux bien l’admettre !).

D’ailleurs, elle explique qu’il est « interdit de ne pas respecter les normes d’hygiène » (p.60) et que les centres font même preuve d’un « hygiénisme paranoïaque » et d’une « propreté inquiétante » (p.109). Voilà des reproches que rêveraient probablement de formuler les détenus des Baumettes. Les bâtiments sont-ils vétustes, comme le sont nos prisons ? À en croire Mme Haïtiwaji, ce serait plutôt le contraire puisqu’il y règne « une odeur entêtante de peinture fraîche » (p.81, p.99) et qu’elle décrit les offres de construction neuve à la page 129. Ces derniers éléments sont également cohérents avec les documents récupérés par l’ICIJ (voir cet article) et qui mentionnent à la fois les standards en matière d’hygiène, de confort et de sécurisation (ce sont bien des centres de détention).

Est aussi cohérent avec les documents récupérés par l’ICIJ le fait que les relations familiales sont préservées malgré la détention. Ainsi, « aussitôt libre, [s]a petite sœur chérie s’était empressée de venir [la] trouver à Baijiantan » (p.105), un moment que Gulbahar décrit comme un « éclair de vie bref mais d’une formidable intensité » (p.105). De la même façon, lors de son procès, elle recevra le soutien de sa sœur Madina, « prévenue par les autorités du camp » (p.143). Enfin, lorsqu’elle sera en résidence surveillée, dans les dernières semaines de sa détention, elle contactera sa famille en France plusieurs fois par semaine (en étant sur écoute) et recevra la visite de sa famille au Xinjiang (en l’absence cette fois de la police).

En ce qui concerne les enseignements, ce qui frappe surtout est l’absence totale d’indications quant aux matières enseignées. Ce serait pourtant un élément essentiel pour démontrer qu’il s’agit bien de lavages de cerveaux, non ? On sait que « chaque semaine, le vendredi, [elles passaient] un examen oral et écrit » (p.93), que l’enseignement passe aussi par le jeu (p.104), qu’elles devaient « apprendre par cœur des livres épais » (p.114), qu’elles « avalaient la propagande des professeurs jusqu’à la tombée du jour » (p.116). On apprend également que s’ouvraient « plusieurs postes d’enseignement dans des centres de transformation par l’éducation » (p.129).

En résumé, on ne retrouve rien de ce qui est censé démontrer le contenu de la propagande subie, le contenu du « lavage de cerveau ». Ne pensez-vous pas que s’il y avait eu quoi que ce soit à dire à ce sujet, Mme Haïtiwaji se serait empressée – à raison – de le partager ? Elle nous dit aussi qu’il est possible de poser sa candidature aux postes d’enseignant.es dans les centres via Internet, par une voie tout à fait classique. Est-ce crédible de la part d’autorités voulant « laver les cerveaux » ? Faire confiance à des gens non formé.es qu’elles ne connaissent pas ? On sait de surcroît que les enseignant.es sont aussi ouïghour.es et que les meilleur.es détenu.es peuvent aussi devenir enseignant.es.

Sur le comportement dans l’apprentissage de Mme Haïtiwaji, les incohérences sont, encore une fois, légion. Côté pile, elle « [s’]applique à jouer le rôle de l’élève assidue et de la prisonnière modèle, ce qui ne [lui] demande pas tellement d’efforts car [elle a] toujours été bonne élève » (p.92), elle « préfère [s’]enfoncer dans le travail » (p.94), elle fait partie des meilleurs élèves (p.113) et elle a de « bonne notes » (p.143). Côté face cependant, elle ne se « souvient jamais [de ses leçons] d’une semaine à l’autre » et elle est « incapable de réciter ce [qu’elle a appris] six jours auparavant » (p.93). Cancre ? Surmenée et, comme les autres, « abrutie par le labeur » (p.94) ou, au contraire, élève modèle ? Choisissez l’argument qui conviendra le mieux à votre narration.

Et la religion dans tout ça ?

Deux raisons semblent justifier, aux yeux des autorités chinoises, la détention dans des centres de « rééducation » au Xinjiang : des velléités séparatistes et le terrorisme islamiste – lesquelles raisons peuvent parfois se conjuguer. Autant dire que le rapport qu’entretient Gulbahar Haïtiwaji à la religion est important, surtout dans la mesure où on a déjà évoqué sa proximité avec les mouvements séparatistes (son mari vice-président de l’association des Ouïghours de France, sa fille manifestant avec le drapeau du « Turkestan oriental » à Paris).

Dès l’avant-propos du livre, Rozenn Morgat, co-autrice, nous rassure : « Quand elle évoque sa religion [de Gulbahar, nda], elle parle d’un Islam « de paix », d’un Islam « modéré ». Elle n’est donc ni une indépendantiste, ni une terroriste islamique. » Bon, s’il suffit de le dire, hein… Le problème, c’est que son mari, Kerim, aurait déclaré que « son épouse n’est même pas musulmane » et qu’elle se serait « convertie au christianisme il y a des années ».

Dans le livre pourtant, Gulbahar Haïtiwaji n’évoque pas une seule fois le christianisme, mais bien son rapport à Dieu dont rien n’indique qu’il ne soit le Dieu de l’Islam. Elle raconte : « Moi qui n’étais pas une croyante fervente, je me suis tournée vers Dieu. Peut-être par provocation. Les yeux fermés, la nuit, je me mets à prier de toutes mes forces » (p.91). Plus loin, feignant des exercices de yoga – ce qui prouve qu’on parle bien de prière islamique et non de prière chrétienne, elle explique : « Tandis que le sang monte doucement à ma tête, je prie. Dans cette position, impossible pour la caméra de repérer mes murmures à Dieu » (p.91). Puis cette citation, déjà vue plus haut où, « dans le noir », elle « prie de toutes [s]es forces » (p.109). Enfin, elle déclare p.115 que sa « seule échappatoire est la prière » et qu’il n’y a « plus que Dieu qui puisse [l’]entendre » (p.115).

Je suis athée. Je n’ai pas la foi et suis donc très mal placé pour porter un jugement sur les croyances religieuses. Mais est-ce irrationnel de se demander si la « foi par provocation » est cohérente ? Je me souviens des reproches formulés par les curés de mon enfance qui fustigeaient la foi opportuniste, la prière qui ne remercie jamais et qui ne se découvre que lorsqu’elle veut réclamer. Alors quoi ? Croyante, pas croyante ? Un peu, beaucoup, passionnément ? Un dieu universel et œcuménique ou un dieu singulier d’une religion singulière ? « Mentez, il en restera toujours quelque chose ».

La religion main gauche, la politique main droite. Si nous sommes plongés dans la perplexité quant au rapport de Mme Haïtiwaji avec la religion, il en est de même de son rapport à la politique, comme nous le verrons dans la troisième partie de notre grand dossier.

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