Analyses

Sortir du capitalisme, seule réponse à l’urgence climatique

L’explosion des émissions de gaz à effets de serre commence avec la révolution industrielle. Ce qui permet cette révolution, c’est le marché libre, c’est-à-dire la possibilité pour des entrepreneurs individuels d’exploiter des travailleur•euses et ceci en compétition avec d’autres entrepreneurs. Autrement dit la révolution industrielle dépend directement du mode de production capitaliste, dont le marché libre est la condition initiale. À la source de l’explosion des GES (gaz à effets de serre), il y a donc le capitalisme.

Or, pour lutter contre les GES, il faut des décisions structurelles, c’est-à-dire qui touchent des secteurs entiers, à l’échelle mondiale. Les efforts individuels ne suffiront pas quand vous prendrez votre vélo tandis que Bezos prendra son yacht ou son jet. Par décisions structurelles, j’entends, par exemple, des quotas (au minimum) sur la production de viande, une limitation du transport maritime, aérien et terrestre, la fin des centrales à charbon, etc.
Puisque le pouvoir politique est le seul habilité à prendre des décisions pour l’ensemble d’une société, seuls les pouvoirs politiques sont à même de prendre conjointement ces décisions sur la production mondiale, au sein d’instances internationales.

Pourquoi ne le font-ils pas?
Parce que ces industries sont aux mains d’acteurs privés – le fameux marché libre. Ces acteurs luttent pour leur propre survie. Chaque entrepreneur•e individuellement a intérêt à polluer, alors que collectivement l’humanité a intérêt à cesser d’émettre des GES.

Est-il envisageable que de tels accords (par exemple de quota de production) apparaissent malgré tout au sein du système capitaliste ?

1) Si oui, ce sera très certainement trop tard (ça l’est déjà) puisque l’intérêt des acteurs privés n’est pas celui-là

2) Si tel était le cas, ça irait avec une hausse des prix (ce qui est rare est cher en système capitaliste) et donc ne pourrait qu’accroître les inégalités au sein des pays et internationalement.

Par conséquent, la seule solution est de retirer des mains du privé toutes les industries majoritairement responsables des émissions de GES. Il en résulte que la première exigence écologique est la sortie du capitalisme.

Elle se traduit par la nationalisation des grands secteurs productifs, une mise en commun internationale des ressources, la décision de quotas de production, l’interdiction stricte de bénéfices privés sur la production de biens et services, un moratoire international sur la production de biens non nécessaires, un financement public massif dans la recherche scientifique liée à la limitation de l’émission de GES, l’interdiction stricte des pratiques de spéculation, etc.

Le mode de production capitaliste exploite les personnes racisées (esclavage, néo-colonialisme, prisonnier•es), les femmes (inégalités économiques sur la base du genre), les enfants, menace la paix (guerres impérialistes), les ouvrier•es partout sur la planète (dans les usines et dans les champs) mais aussi… l’environnement.

Lutter pour la vie, c’est lutter contre le capitalisme.

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Changement climatique : pourquoi on ne se bouge pas?

Il y a un dilemme que j’adore : le dilemme dit « du prisonnier ». Je l’adore parce qu’il illustre à merveille, à mon avis, des situations dans lesquelles l’intérêt individuel est opposé à l’intérêt collectif. Le dilemme met en scène l’histoire suivante : deux voleurs complices se font attraper. Les interrogeant séparément, la police fait à chacun la proposition suivante : si tu dénonces l’autre, tu seras libre ! Mais si vous vous dénoncez mutuellement, vous en prendrez pour dix ans. Enfin, dans le cas où les voleurs sont solidaires, la police manquant de preuves…ils n’en prendront que pour deux ans. Quel choix les voleurs devraient-ils faire ?

Le dilemme peut se visualiser sous la forme du tableau suivant :

prisonnier

On voit bien que collectivement les voleurs ont intérêt à être solidaires. Mais individuellement, ils ont intérêt à trahir… Aujourd’hui, je vais adapter ce dilemme du prisonnier aux actions que l’on peut entreprendre pour enrayer le changement climatique. Vous allez voir que ça permet de montrer très facilement pourquoi, en fait, on ne se bouge pas…

prisonnier2

Que comprendre ?

Le tableau montre très clairement que chacun d’entre nous a intérêt à être dans la situation 2, la situation dans laquelle on ne se bouge pas et où on attend que les autres se bougent pour nous. En effet, on tire tous les bénéfices des luttes accomplies par les autres collectivement sans devoir dépenser d’énergie ni prendre de risques pour soi-même. D’autant qu’à court terme, on reste dans son confort, on ne perd pas en pouvoir d’achat.

Le problème, évidemment, c’est que comme (ou « si », selon que vous êtes optimiste ou pas) chacun agit égoïstement de la même façon, la situation 2 n’est qu’une illusion : elle se transforme nécessairement en la situation 4 où il n’y a plus de collectif pour lutter…mais seulement des individus qui profitent des dernières miettes de pain. À ce jeu, les plus faibles trinquent les premiers : les pauvres venant d’ailleurs qui sont les premiers exposés aux cyclones et autres montées des eaux, et les pauvres d’ici qui n’ont pas les moyens de payer tous les coûts qu’impliquent le changement climatique. À moyen et à long terme, tout le monde est évidemment perdant puisque le changement climatique n’est pas enrayé. La situation 2, c’est-à-dire la meilleure individuellement, se transforme donc nécessairement en la pire collectivement.

Toutefois, les individus sentent bien qu’il y a une arnaque : s’ils n’agissent pas égoïstement et se bougent localement, à leur échelle (à l’échelle prônée par les Rabhi, les Dion et consorts), ils sentent qu’ils vont se retrouver dans la situation 3, c’est-à-dire celle qui est la pire individuellement. Je ne parle pas ici des bobos qui ont les moyens de vivre « zéro déchets » et d’acheter tout bio-local (tout en enchaînant les city-trips à Barcelone), mais je parle de la vraie classe moyenne, les gilets jaunes pour qui il en coûte vraiment de faire des efforts. Eux perdront tout. Non seulement les efforts consentis individuellement ne changeront rien au climat, mais en plus ils perdront directement leur confort, leur pouvoir d’achat et le reste ! Ce qui permet de comprendre pourquoi le mouvement des gilets jaunes a démarré sur une question comme celle du prix de l’essence : ils étaient conscients que ça les mettait, contraints et forcés, dans la situation 3, celle où l’impact sur le climat était nul mais l’impact sur leur portefeuille était énorme.

Il en résulte que seule la situation 1 est profitable. C’est la meilleure collectivement. Certes, nous perdrons tous notre confort et du pouvoir d’achat. Certes, il faudra être dans la lutte, prendre des risques, se faire violence.

Notons qu’agir collectivement signifie avant tout agir sur les structures, sur les causes du changement climatique. Ainsi, par exemple, si l’on considère que l’industrie, l’agriculture et les transports concourent à près de 80% des émissions de gaz à effets de serre en Belgique, c’est bien sur ces leviers-là qu’il faut agir. Et impossible de le faire en restant dans le système capitaliste, puisque ces secteurs en sont directement conséquents.

Ce n’est pas en vain que l’on rappelle qu’historiquement seuls les mouvements collectifs ont permis de changer les règles des systèmes défaillants. À garder en tête les prochaines fois que nous serons en colère à cause d’une grève ou d’un rond-point bloqué, alors que nous faisons partie des « traîtres » de la situation 2…ou des « naïfs » de la situation 3.


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