Analyses

Les dirigeants : pourquoi de tels salaires?

Je me suis posé une question très naïve : pourquoi les dirigeants de grandes entreprises ont-ils des salaires aussi élevés? Les deux réponses habituelles ne me convenaient pas.

Une réponse typique, disons « de droite », consiste à dire que ces dirigeants ont d’énormes responsabilités, ils peuvent être révoqués, c’est grâce à eux et leur stratégie que l’entreprise fait du bénéfice, etc. Oui, ok, mais cela justifie-t-il des salaires AUSSI élevés, des parachutes dorés même s’ils se plantent, etc.? Je pense que non.

Une réponse typique, disons « de gauche », consiste à dire que ces dirigeants se gavent sur le dos des travailleurs exploités et qu’ils n’ont aucune raison – sinon l’indécence – à agir de la sorte. C’est une réponse un peu « psychologisante » dont une perspective « matérialiste » (au sens de Marx) ne peut se satisfaire. Peut-être sont-ils indécents, mais cela comporte malgré tout une incohérence strictement économique :

Sans entrer dans le détail des différents statuts des dirigeants (qui peuvent aussi être associés ou être rémunérés avec des stock-options, etc.), on comprend vite qu’un salaire élevé a un impact sur le bénéfice de l’entreprise. Or, celle-ci est censée maximiser ses profits – raison pour laquelle elle cherche à raboter tous ses coûts dont les salaires des employés… Pourquoi pas, alors, le salaire des dirigeants?

Je vous propose l’explication suivante.

Marx, et à sa suite Friedmann, ont dénoncé la « division du travail » (voulue par Taylor), c’est-à-dire ne faire faire aux ouvriers que de petits gestes répétitifs pour gagner en temps et donc en productivité. Une façon de faire qui a plusieurs conséquences dont le fait que les ouvriers sont aisément remplaçables : leurs compétences importent peu (il ne faut pas être bac+10 pour tourner toujours le même écrou). La « dépossession » de son travail, Marx l’a appelée « aliénation ».

Pour un dirigeant d’entreprise, c’est très différent. Le dirigeant a une mission de gérance, doit mettre en place une stratégie, il doit avoir « du génie », être un « artiste de l’exploitation ». À ce jeu, il y en a de meilleurs (que les grandes entreprises s’arrachent) et de moins bons. Et pour les meilleurs, on sait qu’il est rentable de mettre le prix.

Le boulot propre à celui qui aliène les autres est, par nature, tout sauf aliénant (si on met l’éthique de côté). Pas étonnant que ceux-là persistent à encourager la « valeur travail »…

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